• Rue Galande, 1899 - 1998


    Un ami américain vient de m'offrir cet ouvrage en pensant qu'il devrait m'intéresser car il est incontestablement dans ma sphère d'intérêt et d'une proximité certaine avec Parisperdu.

    Bel ouvrage en effet et beau reportage parisien de Christopher Rauschenberg, le photographe, mais surtout, excellent travail de la maison d'édition qui a su recréer - pour les photos modernes - les tonalités douces, les nuances, les gris pâles des plaques d'Atget ...

    Le choix des sujets, est en revanche plus discutable, car si certains lieux s'imposent d'eux-mêmes ( la Rue Saint-Bon, la Rue de Fourcy, la Cour de Rohan, ...) dans bien d'autres cas, on sent que le photographe s'est laissé allé à une certaine facilité (Versailles, le parc de St Cloud où bien sûr les statues n'ont pas bougé depuis des siècles !..., c'est moins vrai pour le parc de Sceaux, tant il était en friche à l'époque d'Atget).
    Le regard du photographe américain s'étonne parfois de choses assez banales pour nous les parisiens (un bénitier à l'Eglise Saint-Sulpice, un candélabre à la galerie Colbert, ...) ou ne s'encombre pas de critères esthétiques comme, par exemple, lorsqu'il découvre un immeuble bâché et qu'il le retient toutefois dans sa sélection des lieux d'Atget (2 rue de l'Abbaye).

    Vu l'énorme travail d'Eugène Atget, éternel flâneur du Paris post-haussmannien, les démarches comparatives du Paris d'aujourd'hui avec l'œuvre de ce "photographe archéologue", ont encore de beaux jours devant elles.

    Sans marcher sur les pas d'Atget, le photoblog "Parisavant" adopte la même méthode de  mise en perspective des rues parisiennes, à différentes époques: une réussite. 


    >> Christopher Rauschenberg

    >> Atget, déjà sur Parisperdu (1)

    >> Atget, déjà sur Parisperdu (2)

    >> Atget, déjà sur Parisperdu (3)

    >> Le photoblog "Parisavant"



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  • 47 et 49 rue Vilin 75020 Paris - Photo ©Philippe Hiraga - 1971


    Il y a quelque temps, nous avions posé la question:
    "De quelle couleur est Belleville ?"
    Et, lorsque sur ce sujet, j'ai récemment interrogé Willy Ronis - lui qui, dans les années 50 a beaucoup photographié le quartier- le grandissime photographe m'a répondu très directement :" La couleur ? Je ne m'en souviens pas, car à l'époque où je faisais ces images, ma vision était exclusivement en noir et blanc".
    Puis, lorsque j'insiste pour savoir si toutefois, il "revoit" la couleur du mur du bistrot qui sert de toile de fond à sa photo "Au repos de la Montagne", Willy me rétorque :
    "Ce n'est pas la couleur qui avait fait que je m'étais arrêté-là, mais le type en marcel qui prenait un verre à l'intérieur " !
    Finalement, nous n'en saurons pas plus auprès de Willy Ronis ...

    Mais aujourd'hui, ce sont les photos prises par Philippe lors de la démolition de la rue Vilin, au cours de l'été 1971, qui nous donnent la réponse.
    Belleville était donc dans des camaïeux de rouge, de bordeaux, d'orange, de rose, ... c'est dire si les couleurs étaient gaies, et surtout contrastaient fortement avec un état du bâti ... plutôt triste, tant il était dégradé.

    Mais pourquoi ces immeubles à la dérive, suintant de pauvreté, sont-ils restés aussi longtemps dans cet état ? Parce qu'ils ont une histoire bien à eux ...
    Beaucoup de ces immeubles sont des bâtiments qui ont servi à abriter des gens venus ici pour construire la ville, pour travailler dans ses ateliers et ses usines... Autrement dit, ce sont les HLM d'une autre époque, des édifices construits à la va-vite, avec des murs constitués de matériaux de piètre qualité et, pour leur donner un peu de "standing", ... on les peignait de couleurs chatoyantes.

    Au fil du temps, avec la politique de blocage des loyers de l'après guerre, on assista à l'appauvrissement des propriétaires et le quartier s'est rapidement "ghettoïsé". Tout cela a souvent empêché de faire les indispensables travaux d'entretien et, années après années, ces immeubles sont devenus de véritables ruines ...
    Et lorsque ces bâtiments ont trop coûté en entretien, lorsque la rentabilité des loyers a trop diminuée, on les a démolit !
    Oui, finalement Belleville en a vu ... de toutes les couleurs.


    >> Voir aussi :"Elles tombent l'une après l'autre"
    - Photo © Philippe Hiraga

    >> "Au repos de la Montagne"
    - Photo ©Willy Ronis

    >> Voir aussi : "Mélanges de couleurs"  




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  • A Paris, dans le 19ème arrondissement, la destinée du garage de l'Equerre est tout à fait révélatrice de l'évolution du quartier.
    Suivons donc son parcours.

    En 1930, au 7-9 de la rue de l'Equerre, s'implante un garage. Avec son fier fronton gravé, il se présente alors comme un temple de la "modernité automobile".

    Dans les années 1980, les asiatiques sont de plus en plus présents à Belleville et s'impliquent fortement dans l'économie locale aussi, il ne faut pas être étonné de voir le mécanicien vietnamien Nguyen Van
    Trieu, fraichement arrivé à Paris, reprendre l'activité du garage de l'Equerre.

    Mais dès la fin des années 90, les promoteurs immobiliers sont - partout à Paris - à la recherche de bonnes affaires et, les vieux garages de quartier sont des cibles de choix car ils offrent de grandes surfaces et de beaux volumes.
    Un projet immobilier est alors conçu par l'Agence XLGD et Associés, pour l'édification de logements au-dessus du garage, sur quatre niveaux. Le permis de construire ne sera finalement pas accordé.

    Puis, au début des années 2000, les bobos arrivent en nombre dans les quartiers Est de la capitale. On le sait, le bobo est friand de culture; il va donc falloir lui en fournir dans un secteur qui en manque cruellement ... La Cosmic Galerie va définitivement remplacer le Garage de l'Equerre ... on conservera, bien sûr, son fier fronton gravé, car cela fait "authentique" et "l'authentique" plait aux bobos.

    Ainsi, à Paris comme ailleurs en France, les garages comme bien d'autres bâtiments industriels sont souvent recyclés "culturellement". Cela nous montre bien que nous ne fabriquons et ne produisons plus grand-chose ... et avec tous ces bâtiments vides d'activités, c'est sûr que l'on va avoir le temps de se cultiver ... au chômage.


    >> Cosmic Galerie

    >> Le projet immobilier de l'Agence XLGD et Associés.

    >> "Bobo Attitude" ou "Les Bobos sur Parisperdu". 




     


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  • Place des Vosges, 1972


    En cette après-midi d'été, lorsque je pénétrai sur la place des Vosges, mon regard fut immédiatement attiré par une masse sombre, celle d'une auto pas comme les autres...

    Il s'agissait d'un London cab, un ancien taxi londonien. Je fis une photo où "l'engin" se coulait dans la célèbre perspective des arcades de la place. Mais je n'étais pas sûr du résultat. Aussi, me rapprochai-je du véhicule, en pensant à Robert Capa, ce photographe de guerre qui disait: "Si ta photo n'est pas bonne, c'est que tu n'étais pas assez près".

    Et là, quelle ne fut pas ma surprise: à l'intérieur du "cab", se tenaient deux messieurs: l'un, assis, avait gardé son chapeau, l'autre allongé, l'avait posé à côté de lui. Tous deux étaient immobiles, ... morts peut-être. Mais soudain un léger ronflement s'échappa par la vitre baissée, tous deux dormaient ... profondément.

    Comme souvent dans ces cas-là, face aux scènes insolites que je photographie, je me mets à imaginer l'histoire de la photo. Que faisaient donc ces deux dormeurs place des Vosges ?

    J'ai d'abord pensé qu'ils étaient partis de Londres, qu'ils avaient roulé toute la nuit, et que d'épuisement ils s'étaient endormis à leur arrivée à Paris. Ou peut-être encore, de façon plus improbable, qu'après avoir pénétré, par hasard, place des Vosges, ils n'en avaient plus retrouvé la sortie et après avoir tourné en rond, pendant des heures, le sommeil avait eu raison d'eux ...!

    Plus sérieusement, j'ai extrait cette photo de mes archives après avoir vu l'exposition de Robert Frank, "Paris/Les Américains" au  Jeu de Paume, car l'une de ses photos ("Detroit, 1955") me semble faire écho à nos "Dormeurs de la place des Vosges".

    Les photos de Robert Frank, un des derniers géants de la photographie du XXème siècle, témoignent d'une prise de parole neuve - pour son époque - qui rapprochait, de façon vraiment révolutionnaire, le photographe du sujet photographié. Dans la rue aussi, "si ta photo n'est pas bonne, c'est que tu n'étais pas assez près".


    >> Robert Capa, photographe de guerre

    >> Robert Frank, "Paris/Les Américains" au  Jeu de Paume



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  • L'image un peu leste et racoleuse de cette publicité, au métro Filles du Calvaire, semblerait-elle vouloir nous donner une indication sur les moeurs de ce quartier du 11ème arrondissement ?
    Les "filles du calvaire" ne seraient-elles pas des filles de joie qui, autrefois, écumaient le quartier ?

     Le prix Goncourt 1991, un roman de Pierre Combescot, intitulé "Les Filles-du-Calvaire" pourrait confirmer cette hypothèse. L'auteur nous narre - en effet - la vie de Madame Maud, derrière son comptoir du bistrot des Trapézistes, aux Filles-du-Calvaire. Autour d'elle, un petit monde interlope et coloré où se côtoient artistes du Cirque d'Hiver tout proche, souteneurs, prostitués des deux sexes ... Mille et une destinées emplissent ce livre baroque, dans le Paris de la première moitié du siècle dernier.

    Coluche, enfonce le clou avec un de ses mots d'esprit, dont il avait le secret : "On parle souvent du boulevard des Filles-du-Calvaire mais on ne  parle pas souvent du calvaire des filles du boulevard".

    Pourtant, la réalité est beaucoup moins romantique. Ici, rien à voir avec les filles de joie, et même bien au contraire ...
    Ce quartier, hébergeait le couvent de la congrégation des Filles du Calvaire qui lui donnera son nom ...


    >> La congrégation des Filles-du-Calvaire a son site web...

    >> Au métro "Filles du Calvaire"...

     


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