• Quartier du Plateau –Paris 19ème – Juin 1995

     

    Dans certains quartiers de l'Est parisien, le paysage est parfois majoritairement composé de friches et de bâtis condamnés. Ces deux formes de scarification de la cité  - qui sont les causes autant que les symptômes d’un certain malaise - déstabilisent l’œil du citadin.

     

    Les friches, parfois immenses, creusent alors de larges béances et mettent à mal la définition de Georges Perec, " l’alignement parallèle de deux séries d’immeubles détermine ce que l’on appelle une rue ". Les rues de Belleville, de Ménilmontant ou d'ailleurs … doivent se débrouiller autrement.

     

    Ces friches résultent souvent d’immeubles d’habitation tombés les uns après les autres au cours d'un long processus s'étalant parfois sur une dizaine années, et semblent constamment menacer les immeubles plus ou moins dégradés qu’elles encadrent.

    Les fenêtres aveugles, les portes condamnées, et les grilles abaissées de commerces abandonnés, sont l’exact pendant des friches. Car l’obstruction verticale de ce bâti clos répond à la béance et à l’horizontalité des terrains vagues.

     

    Il est difficile de connaître ce qui, dans l’histoire de chacun de ces immeubles, a conduit à sa fermeture partielle, totale, puis à sa démolition. La question “ À qui le tour ? ” semble rebondir entre les pans des constructions demeurées debout. Ces murs mis à nu, dévoilant leurs flancs de tapisseries intimes, sont, au-delà de leur fragilité, d’une indécence criarde.

    Néanmoins le paradoxe est que ces friches constituent souvent les rares zones de respiration et parfois les seuls espaces verts de la ville …

     

    Dans les secteurs où il reste encore des  immeubles debout, des ménages très modestes s’y entassent. Tous sont dans des logements souvent exigus, dégradés, partiellement murés et parfois dénués du confort sanitaire le plus élémentaire. Cela n’empêche pas les loyers d’être exorbitants puisque ces appartements sont loués à des tranches de population qui n’ont concrètement aucune possibilité de se loger ailleurs …

    Jusqu'au jour où ce bâti, condamné, sera finalement détruit et où il faudra bien y aller … ailleurs, … et souvent cet ailleurs est loin, très loin de la ville.

     

     

    >> Parisperdu et les démolitions urbaines.

     

    >> "Démolition, reconstruction, la ville en chantier ..."

     

    >> "Démolition des murs ... démolition des vies."

     

    >> "De l'autre côté de l'amer."

     

     

     

     

     

     

     

     

     


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    Sur les quais de la Seine, Petit Pont. Crédits photo : © IZIS Bidermanas


    Avec cette exposition-rétrospective de l'œuvre de IZIS, un accrochage de quelques 270 photographies, la Mairie de Paris entend rendre hommage à un photographe encore trop méconnu. Pourquoi ce titre "Paris des rêves" ?  Pour moi, indiscutablement c'est parce que Izis rime avec onirisme …

     
    L'exposition présente toute la palette de celui qui fut à la fois artiste et reporter, grand portraitiste et flâneur aux aguets. De son œuvre protéiforme, on retiendra surtout le volet parisien - qui fait l'éloge du rêve et de la lenteur au cœur de sa ville d'adoption, une œuvre qui révèle la diversité, l'originalité et la modernité de son travail.

    Izis nous donne une image poétique du Paris populaire : les rues et les quais de la Seine, les enfants et les amoureux, les fêtes foraines et les gens du cirque, les ouvriers et les vendeurs de muguet, etc ...
    On l'aura compris c'est un photographe humaniste qui nous est dévoilé à l'Hôtel de Ville, un photographe à l'égal des plus grands photographes-amoureux de Paris: Willy Ronis et Robert Doisneau.

    Mais trente ans après sa disparition, en 1980, Izis demeure moins célèbre que ses compagnons d’alors.
    Willy Ronis, lui-même se scandalisait de "cette mise au purgatoire" des photographies d’Izis dont il vantait la démarche esthétique.
    A
    voir absolument.



    >> "Izis, Paris des rêves". A l'Hôtel de Ville - Paris 4ème, jusqu'au 29 Mai 2010. 

    >> Déjà sur Parisperdu: "Izis, de Paris et d'ailleurs" …


    >> … et aussi, "Sur les pas d'Izis".

     





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  • Quelque part, sur les Boulevards des Maréchaux, le 23 Juin 2004 à 00 heure 43.

     

    Dans le 18ème, où l'on a dénombré jusqu'à 350 prostituées sur les boulevards des maréchaux, la récente loi qui réprime le racolage, a bien modifié le paysage.

     

    Mais la loi n'a pas supprimé la prostitution, bien au contraire … Dans un premier temps, elle l'a simplement reléguée loin des regards, dans les confins des bois, sur les  terrains vagues … puis finalement, la prostitution s'est repliée dans les appartements, les hôtels de tout standing, les fausses agences matrimoniales, les bars à hôtesses et les squats.

     

    Depuis la mise en vigueur des lois sur la sécurité intérieure, la préfecture de police a procédé à plus de 3 000 gardes à vue de prostituées, plus de 1 000 présentations à la justice, à quelques 550 rétentions administratives, et 250 reconduites à la frontière !

     

    Aujourd'hui, c'est une répression policière impitoyable qui s'est abattue sur la cohorte des travailleuses du trottoir … mais pour les réseaux et les proxénètes, les affaires continuent …

     

    >> Voir aussi sur Parisperdu : "Extérieur nuit".

     

     

     

     

     


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  • Le nom sonne un peu comme celui émis par le bourdon de Notre-Dame … lourd, grave, un peu sinistre. Il évoque quelque lointaine contrée russe où l'on s'est beaucoup battu. C'est aussi la ville d'un grand dictateur, un personnage si sanguinaire que là-bas, on a fini par rayer son nom de la carte et on a rebaptisé la ville d'un nom plus léger, plus doux, à la sonorité aérienne : Volgograd !


    A Paris, la dénomination de Stalingrad est communément associée à une station de métro et à son environnement immédiat, mais en fait, il s'agit d'un quartier assez vaste, aux confins des 10e, 18e et 19e arrondissements.
    Le boulevard de la Villette, surplombé par l’imposante structure métallique du métro aérien, constitue la limite visible de ce quartier.

     

    A Paris aussi, Stalingrad a une lourde réputation à porter. Le quartier est, en effet, l'un des hauts lieux de la vente et de la consommation de drogues.

    A Stalingrad, la came empoisonne la vie : celle des résidents comme celle des consommateurs. Elle est présente dans tous les lieux publics, en particulier dans les interstices laissés vacants dans la ville ; elle accapare l’espace, suscite de multiples scènes de violence entre les différents protagonistes – dealers, usagers, policiers – et produit une délinquance au quotidien.

     

    Pourtant, dans un secteur qui constitue l’un des derniers îlots du nord-est parisien laissés à l’abandon et où l'ambiance est particulièrement pesante, une fenêtre de légèreté, une porte d'espoir s'est ouverte en mai 2007 avec la création des Jardins d’Éole.

    Derrière cette étiquette bucolique se cache une opération qui va sans doute à terme transfigurer Stalingrad. Car les jardins d’Eole, qui s’étalent tout de même sur 4 hectares, viennent combler l’absence quasi totale d’espace vert digne de ce nom dans le 18e arrondissement.

     

    Certes, le lieu n’est pas forcément gâté, coincé entre les voies ferrées menant à la gare du Nord et la rue d’Aubervilliers, rue appelée à être redynamisée et remise en valeur, mais encore très fréquentée la nuit par les dealers.
    Pour ce qui est du jardin paysagé, il est certain que la proximité des voies ferrées peine à se faire oublier, malgré la présence d’une butte qui les occulte quelque peu. Une partie des jardins restant ouverte 24 heures sur 24, l’objectif non caché est de permettre aux riverains, par leur présence le soir et la nuit, d'inciter les dealers de la rue d’Aubervilliers à renoncer à leur trafic.

     

    Soyons patient. La nature doit encore grandir et donnera, espérons-le, à ces Jardins d’Eole, un petit air de parc de la Villette...

    Alors Stalingrad sera devenu un quartier plus respirable.


     

    >> Vue des jardins d'Eole.

    >> Voir aussi sur Parisperdu: "Etrange banalité ..."




     

     


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  • Au détour d'un précédent billet, parcourant la Villa des Lyanes, dans le 20ème, je faisais ce constat : "Ce monde a disparu …!"

    En effet, dans les années 80, la Villa abritait encore un nombre considérable de petits ateliers d'artisans : des serruriers, des ferronniers, … s'affairaient ici. Des métiers dont aujourd'hui notre économie mondialisée n'a plus que faire.

    Et maintenant, tout cela a disparu, la Villa a été nettoyée, récurée … par les promoteurs immobiliers qui ne raisonnent qu'en volumes … proportionnels à leur rentabilité.

    Pourtant, si vous pénétrez aujourd'hui dans la Villa des Lyanes, un détail subsiste …  insolite, anachronique, décalé. Un petit édifice au toit de tuiles rouges avec sa potence électrique d'un autre âge … est resté en place, inchangé, intact.

    Pourquoi, par quel miracle ce "confetti immobilier", hors du temps, hors de propos dans cet espace de banale modernité, a-t-il survécu ?
    Un propriétaire, réfractaire aux promotions immobilières, aurait donc réussi à conserver son bien et à garder cette infime trace du passé … ?

    Finalement, non, ce monde n'a donc pas totalement disparu …



    >> Voir sur Parisperdu : "Ce monde a disparu".

     


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