• Passerelle de la gare du Boulevard Masséna- Paris 13ème - Juin 1996.

     

    Au bout de la passerelle, la gare du Boulevard Masséna, une ancienne gare de la ligne de la Petite Ceinture, a encore fière allure. A l'époque, le RER C la dessert encore et cette passerelle est quotidiennement empruntée. La gare sera fermée en décembre 2000 lors de l'ouverture de la toute proche station "Bibliothèque François Mitterrand". Mais le site n'a pas été définitivement condamné et les quais sont maintenus en l'état, … au cas où une réouverture se justifierait.

    Le cinéma a largement exploité le lieu. En 1967, Jean-Pierre Melville, y tourne une scène de son film "Le Samouraï", dont Alain Delon tient le rôle principal de Jef Costello. La scène où Jef vient toucher son argent pour le meurtre qui lui a été commandé, se passe sur cette passerelle métallique, surplombant les voies ferrées.

    Mais là aussi, la monstrueuse avenue de France est venue bouleverser ce paysage de marge urbaine qui n'en demandait pas tant.
    La gare Masséna, qui a été abondamment squattée, est aujourd'hui en piteux état. La passerelle est maintenant inaccessible … et, dans cet environnement de friches, tout cela sent la fin d'un monde, comme un ultime combat, … un combat perdu d'avance par le Samouraï.



    >> La gare Masséna, une friche urbaine.

    >> Le Samouraï, un film réalisé par Jean-Pierre Melville, en 1967.



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  • Rue Emile Duployé - Paris 18ème - Juin 1997


    Normalement, la porte est toujours fermée, et à l'intérieur, la lumière est toujours allumée.
    Rien ici ne signale l'existence d'un atelier de confection de vêtements. Sauf peut-être, collées sur la vitrine, deux photos extraites d'un magazine et montant des mannequins de haute couture.

    Rue Emile Duployé, c'était un petit secret que pourtant tout le monde connaissait : un atelier clandestin se tenait-là, en bordure de rue et non pas là où s'installent ordinairement les ateliers clandestins, c'est à dire au fond d'une cour ou d'un passage caché et difficilement accessible. Trouver un atelier de ce genre avec "pignon sur rue", était en effet très étrange.

    Dans l'atelier, diverses nationalités de travailleurs confectionnent des vêtements, probablement pour le compte de petites et de grandes marques du quartier du Sentier à Paris. Au début, ce n'étaient que des Chinois. Puis au bout de quelques temps, on a vu y entrer des kurdes, des Pakistanais, des Sri-lankais, ...

    Par quel hasard, la porte était-elle restée entre-ouverte aujourd'hui?
    L'air de rien, je l'ai poussé un peu plus et ai eu le temps d'apercevoir cinq ou six machines à coudre ainsi que de grandes piles de vêtements. Puis quelqu'un a violemment repoussé la porte en délivrant, dans une langue qui m'était inconnue, ce que j'ai pris pour un juron ...

    Peu après, un colosse de type asiatique est sorti sur le pas de la porte, grommelant d'autres mots et jetant un œil noir en ma direction et surtout envers mon appareil photo. Je m'éloignai rapidement.

    Le mois suivant, passant à nouveau par la rue Emile Duployé, je constate que le décor à changé. L'atelier est semble-t-il définitivement fermé, la lumière est éteinte, toutes les vitres sont passées au "blanc d'Espagne". Seules restent sur la vitre, les pages du magazine de mode.
    L'atelier aura sans doute déménagé un peu plus loin dans le quartier ...

    Aujourd'hui, la rue a été complètement bouleversée mais l'immeuble de l'atelier clandestin est encore là. Il semble attendre patiemment son inéluctable destruction ...



    >> Atelier clandestin (Document INA)

    >> La transformation de la rue Emile Duployé (Vue de nuit. Juin 2005)

     

     


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  • La place des Fêtes,  novembre 2009 -  Paris 19ème


    Ce billet est publié à l'occasion du 150ème anniversaire du 19ème arrondissement. Plus particulièrement, il est destiné à accompagner le concours photo: "D-Clic-19 : Mon quartier Place des fêtes" qui se déroule, jusqu'au 8 juin, dans le cadre de cette manifestation.

    Pour cet évènement, nous vous proposons de faire un petit retour en arrière grâce à Paul Adnot, un ancien résident du quartier, qui nous relate l'ambiance populaire, animée et chaleureuse d'un Belleville aujourd'hui disparu.

    "Flash-back" donc, avec Paul:

    "J'ai été deux fois déraciné.
    J'aimais la campagne, j'étais habitué au grand air, aux champs, et on m'a ramené à Paris, dans cette ville incroyable, j'étais perdu, affolé, on m'a mis à l’école avec des instituteurs qui étaient des peaux de vaches.
    La deuxième fois que j'ai été déraciné, c'est quand ils ont foutu notre quartier en l'air. Tout le monde se connaissait avant : c'était un village, c'était notre campagne à nous. Ce n'est pas comme maintenant, on passe à côté des gens sans les voir, personne vous voit, vous voyez personne non plus. Mon point central, c'était la Place des Fêtes quand j’étais gosse : il y avait des baraques foraines dans le "square Monseigneur Maillet", il y avait la fête, des parades foraines. Le dimanche, les cafés étaient pleins; ils restaient ouverts jusqu'à près de minuit : bien sûr, il y avait quelques ivrognes… L'été, on sortait du boulot, on avait soif, on allait boire un pot chez Dupont, au coin de la rue Pré-Saint-Gervais et de la rue Compans.

    Puis ça a commencé avec les types qui ont commencé à prendre les métrés, les géomètres, puis après, on a vu arriver les engins avec leurs grosses boules d’acier qui abattaient les murs. Les premiers bâtiments construits sont les "paquebots" de la rue de Bellevue. Après, ils ont foutu en l'air l’école de garçons : j'en ai bavé dans cette école, mais ça m’a fait mal au ventre quand ils l'ont démolie, c'était mon passé. Quant à moi, j'habite dans des HBM (habitations bon marché), les HLM d'autrefois qui ont été construits en 1921 et finis en 27. J'avais un oncle, peintre en bâtiment : quand il a vu mon appartement, il n'en revenait pas : vous vous rendez compte, les W-C. chez soi ! Or, on ne savait pas ce qu'ils allaient construire... Quand on a vu la hauteur des constructions alors là, ça nous a déchirés ! C'était affreux... Quand on sortait du métro, tous les gens s'arrêtaient, regardaient, et comptaient les étages en espérant chaque jour qu'ils s’arrêteraient. Par rapport à ce qui était prévu, ils ont changé quatre fois de plans, mais les tours y étaient toujours. Pas mal de gens sont partis en banlieue  (ceux qui ont été expulsés); d’autres ont été relogés près des casernes entre la Porte des Lilas et de Bagnolet : c'est pas beau, je voudrais pas y habiter.

    Alors une nouvelle époque est née, et sont apparus les frigidaires, les télévisions, tout le confort, quoi ! J'avais un copain d’enfance, on allait le voir tous les vendredis soir. On arrive : Ooh !... Il s'était acheté un frigidaire ! Le lendemain, on achetait un frigidaire. Un soir on arrive, il avait acheté la télé : c'est pas vrai ! Moi, je l'ai acheté un ou deux ans plus tard. Mais çà a été dommage : on était collé dessus ! Vous vous rendez compte : le cinéma à domicile, on se dérange plus !... Maintenant, je suis plus sélectif, je ne regarde pas n’importe quoi ".


    Paul  Adnot nous livre-là le témoignage authentique d'une époque. Il a connu les taudis de Belleville, les miséreux, la face sombre de la condition ouvrière d'alors, contre laquelle luttait quotidiennement cette belle convivialité, faite de solidarité, d'entraide et dont il faut bien voir, derrière son aspect plaisant, qu'elle constituait une technique collective de survie, difficile à retrouver aujourd'hui malgré notre "crise" actuelle qui n'est pas comparable, même de loin, sinon peut-être au plan psychologique.

    Si cette ambiance Bellevilloise, désormais mythifiée, nous apparaît comme un passé irrémédiablement perdu; il est heureusement des gens qui, aujourd'hui encore, continuent à créer du lien entre les habitants de ce 19ème arrondissement, si vivant, si attachant …
    Alors merci à eux et, bon anniversaire à la Place des Fêtes !



    >> Le 19ème arrondissement fête ses 150 ans : Concours Photo.

    >> La place des Fêtes, déjà sur Parisperdu. 


    >> Voir aussi : "Ce n'est vraiment pas la fête ... !"





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  • Rue Marx Dormoy,  Paris 18ème.

     

    Lorsque j'ai croisé Camille et Nacira, rue Marx Dormoy, j'ai parié qu'elles étaient du quartier et donc qu'elles pourraient me renseigner sur mon itinéraire.

    La conversation fut tout de suite amicale, mais elles ont refusé que je les prenne en photo, ou alors : "de dos, si vous voulez, car ici on est surveillées" m'ont-elles dit.
    Surveillées, mais par qui, et pourquoi ? "Par les garçons pardi", ont-elles répondu en cœur!
    Alors ici, même si l'on n'est pas en banlieue, ce serait donc quand même un peu la loi des cités?

     

    Oui, mais sauf qu'à Paris, les filles sont en voyage. La structure de la ville est ainsi faite que leur coiffeur est à Marx Dormoy, les boîtes de nuit dans le quartier d’à côté, le lycée à plusieurs kilomètres de chez elles, et le cinéma à Gambetta.

    Ainsi dans tous les cas, Camille, Nacira et leurs copines peuvent aisément circuler en métro ou en bus, et elles ont de bonnes motivations de le faire, c’est-à-dire des motivations qui les protègent de toute suspicion de la part des garçons : elles vont quelque part, pour faire quelque chose de dicible et de légitime.

    Qui plus est, une fois passées deux ou trois stations de métro, elles s’engouffrent dans la masse anonyme, et deviennent beaucoup moins contrôlables que dans les cités de banlieue.

    Camille et Nacira ont une scolarité satisfaisante, leur famille les responsabilise, elles ne touchent pas à la drogue. Leurs loisirs sont "bon enfant", elles ont de petits amis mais "ça leur prend pas trop la tête". Déjà elles se projettent dans la vie professionnelle au travers de stages et d'activités parascolaires.
    Camille et Nacira, parisiennes ordinaires d'un quartier populaire, sont des filles bien.



    >> Voir aussi sur Parisperdu : "La fille de Bercy".



     

     


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  • ©Henri Cartier Bresson :Extrait de son carnet de croquis parisiens.

     

     

    C'est  Henri Cartier-Bresson, HBC pour les intimes qui parle :

    "L'appareil photographique est pour moi un carnet de croquis, l'instrument de l'intuition et de la spontanéité, le maître de l'instant qui, en termes visuels, questionne et décide à la fois.

    Pour "signifier" le monde, il faut se sentir impliqué dans ce que l'on découpe à travers le viseur. Cette attitude exige de la concentration, de la sensibilité, un sens de la géométrie. C'est par une économie de moyens et surtout un oubli de soi-même que l'on arrive à la simplicité d'expression.

     

    Photographier : c'est retenir son souffle quand toutes nos facultés convergent pour capter la réalité fuyante ; c'est alors que la saisie d'une image est une grande joie physique et intellectuelle.

     

    Photographier : c'est dans un même instant et en une fraction de seconde reconnaître un fait et l'organisation rigoureuse de formes perçues visuellement qui expriment et signifient ce fait.

     

    C'est mettre sur la même ligne de mire la tête, l'œil et le cœur.
    C'est une façon de vivre."


    >> L'expo Cartier-Bresson au Moma, à  New York. Jusqu'au 28 juin 2010. 

    >> "Henri Cartier-Bresson : The Modern Century".

    >> Parmi les merveilles peu vues :"Paris 1955".

    >> Voir aussi sur Parisperdu : "Henri Cartier-Bresson, Paris à vue d'œil."

    >> Et aussi : "Doisneau chez son complice Cartier-Bresson".

     


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