• Ancien atelier en cours de transformation en loft,  Paris 20ème. Octobre 2000.

     

    A Ménilmontant dans les années 60, on dénombrait un seul WC pour 196 habitants, et il était courant de vivre à 6 ou 7 dans 9 m2. Il y a alors un afflux massif de population : les campagnes se vident, ... toutes les 4 minutes, un provincial arrive à Paris et les rapatriés d'Algérie débarquent dans les banlieues.

    L'Etat décide donc la construction de "grands ensembles", inspirés des théories urbanistiques du Corbusier. Ils rencontrent au départ un grand succès. Mais on est loin de l'original, car on rogne sur les prix et donc sur la qualité. On construit en préfabriqué, à la va-vite: un logement de 3 pièces est livré toute les heures ! Et rapidement, ce type d'habitat soulève des problèmes: les barres trop vite construites vieillissent mal, la répétition des mêmes modules crée la monotonie, ces grands ensembles virent à l'univers concentrationnaire, leurs habitants s'y ennuient, tombent dans une sorte de dépression à laquelle on donnera même un nom : c'est la sarcellite !

    Dès 1969, on voit l'apparition des premières "bandes de jeunes", en réponse au manque de loisirs, viendra ensuite le rap et ses codes: vestimentaire avec la casquette et la capuche et aussi le code des mots, de la façon de parler. Dans les cités, en 40 ans, le chômage sera multiplié par 10, la drogue devient très présente et certains quartiers virent aux zones de non-droit, où la police n'ose plus entrer ...

    Habiter au centre des villes devient aussi de plus en plus difficile. En 1960, vivre à Paris n'était pas un luxe car beaucoup de quartiers étaient plus ou moins insalubres.
    Mais désormais, l'espace étant compté, le moindre mètre carré prend de la valeur, le dernier étage autrefois réservé aux domestiques devient très recherché, tout comme les lofts, une mode venue des USA, avec de grands volumes, une absence de cloisons, un espace atypique ...

    Parallèlement, Paris va connaître beaucoup, beaucoup trop de destructions ... alors qu'on aurait pu transformer en douceur des quartiers entiers.
    Un immeuble que l'on détruit, c'est 40 ans de vie qui partent en poussière en quelques heures ... tous les souvenirs de jeunesse qui s'évaporent brutalement ...

    A Paris, surtout dans les quartiers Est, l'on a détruit l'histoire des gens.



    >> Démolition des murs, démolition des vies.

    >> Démolition, reconstruction, la ville en chantier.

    >> Une rage de destruction.

     

     


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  • Quai de la station Claude-Decaen, ligne de la Petite-Ceinture.  (Paris 12ème) -Juin 1997.

     

    A l'approche du XXème siècle, le Syndicat d'exploitation de la Petite Ceinture est constamment sollicité pour la création de nouvelles stations.
    Le Syndicat fait en sorte de ne pas y répondre, se réfugiant toujours derrière l'alibi financier. Mais pour l'exposition universelle de 1900, il donne suite au souhait du Commissaire général de l'Exposition de voir desservir le pavillon " Automobiles et cycles" projeté à proximité du lac Daumesnil à Vincennes. Cette opportunité lui offre la possibilité de régler, enfin, la question de la gare définitive de la Rapée-Bercy en suspens depuis 1877 et dont la ville de Paris ne cesse d'épiloguer sur l'emplacement définitif, rue de Charenton.
    En 1899, la décision est prise: la station de la Rapée-Bercy demeurera à sa place et un point d'arrêt facultatif - une halte - "accessible aux seuls voyageurs sans bagages" sera édifiée rue Claude-Decaen pour les besoins de l'Exposition.

    Ouverte le 5 mai 1900, la halte deviendra une station en 1907, la dernière à être crée sur la ligne de la Petite Ceinture.

    Depuis lors, l'histoire contemporaine de la Petite Ceinture ferroviaire est celle d'une lente dégradation, où chaque année passée voit son état empirer, alors que cette ligne pourrait rendre des services significatifs aux habitants de la Région Île-de-France pour leurs déplacements.

    L'absence de volonté politique de réactiver un service ferroviaire sur cette ligne, alors que la plupart des autres capitales européennes (Londres, Berlin et Bruxelles en autres) exploitent sous diverses formes (tramway, métro ou RER) une ligne de rocade d'un périmètre équivalent à celui de la Petite Ceinture, apparaît de plus en plus comme un gâchis et un archaïsme.

    En attendant, à la station Claude-Decaen, l'herbe envahi les quais et la Ville vient de racheter, à Réseau Ferré de France, une parcelle de terrain - au 11 rue Claude Decaen -  pour y établir un jardin partagé ... la Petite Ceinture s'ouvre enfin au public !

     

    >> Le bâtiment des voyageurs de la station Claude-Decaen vers 1930 - ©"La vie du rail"


    >> Retrouvez la Petite Ceinture sur Parisperdu.

     




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  • 84 de la rue des Vignoles Paris 20ème  - juin 1996

     

    Nous sommes dans le quartier de la Réunion, à une époque où le grand chambardement commence à peine, la ZAC n'a pas encore son contour définitif et les vielles maisons de la rue des Vignoles, mais aussi de tous ses passages et impasses attenants, font de la résistance.

    Et ces maisons ont de la mémoire, pas seulement celle de leurs pierres, mais aussi celle de tous ceux qui ont vécu ici et qui ont laissé des traces visibles seulement par ceux qui savent voir ...

    Ainsi, au 84, plusieurs générations d'occupants ont laissé des messages, plus ou moins lisibles ... On déchiffre les inscriptions : "Approvisionnement direct des vignobles - Vins fins", puis sans savoir si elle est antérieure ou postérieur, la mention : "Armoires Kerstricht".
    Et finalement, une fresque d'animaux évoquant les peintures de la grotte de Lascaux, tracée par un artiste du "street-art", avec cette phrase: "Défense d'habiter". Là, il est clair qu'il s'agit d'une réponse au "ZACage" de la Réunion, d'un cri contre les murages, les démolitions, les expulsions ...


    Pourtant, tout près de là, au fond de la paisible impasse Rançon, le lavoir est toujours là, même si déjà depuis longtemps sa lourde porte reste close.

    On l'aura compris, le filon de la nostalgie ne semble pas prêt de s'épuiser à Paris ...




    >> Visite insolite au fond de l'impasse Rançon - Juin 1996.

     

     

     


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  • Fond de l'impasse Rançon - Paris 20ème,   Juin 1996


    Au 84 de la rue des Vignoles, s'ouvre l'impasse Rançon.
    Lorsque j'y pénètre, je ne sais pas que je vais faire là une visite pour le moins insolite.

    Il faut croire que je suis tout de suite repéré car une femme au regard interrogatif, s'avance vers moi.
    Par les fenêtres ouvertes, au premier étage, des têtes apparaissent et quelqu'un m'interpelle de là-haut : "Qu'est-ce qu'il veut le Monsieur ?".
    Je réponds que : " je ne veux rien de spécial, je suis un simple promeneur qui déambule dans le quartier".
    Mais on ne semble pas me croire. "Vous êtes de la Mairie ?" me lance-t-on alors.

    Après une discussion à plusieurs, en particulier avec mon harangueur du premier étage, le climat s'apaise. On m'explique que "des gens" de la Mairie de Paris viennent ici faire des repérages pour l'aménagement du quartier Réunion, et qu'ils ne sont pas les bienvenus.
    Mais une autre personne, remarquant le point rouge de la célèbre marque de mon appareil photo, me questionne de nouveau : "Mais vous être un photographe professionnel !". Je dois à nouveau justifier qu'il n'en n'est rien, ... je ne suis qu'un simple amateur qui prend des images au gré de ses balades ...

    "Alors dans cas, me dit-on, on va vous montrer le fond de l'impasse, ça devrait vous intéresser"

    Sur le mur qui ferme l'impasse, il y a une porte avec une inscription: "Entrée du lavoir" ...

    Le fait est peu connu, mais jusqu'au siècle dernier, dans ce quartier il y avait de nombreux lavoirs assez pittoresques d'ailleurs et ici, il en reste la toute dernière trace.

    Mais le lieu est menacé, pensez donc, on envisage dans une impasse piétonne la construction d'un parking, et ce parking déboucherait aussi rue des Haies ... autant dire la fin de l'impasse, la fin de la quiétude pour ces habitants qui ont su créer un petit monde dont la tranquillité tient à l'isolement du lieu.


    Finalement un nouvel immeuble sera construit au fond de l'impasse, sur l'emplacement de l'ancien lavoir, mais son accès se fera uniquement par la rue des Haie.
    L'impasse Rançon restera donc "dans son jus" ... pour quelque temps encore.



    >> L'impasse Rançon en Août 2009.

     

     


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  • 18, Impasse des Souhaits - Paris 20ème (juin 1997)

     

    Nous sommes tout près de la rue des Haies dans le XXème arrondissement. Dans ces maisons en déliquescence, s'entasse une dizaine de familles. C'est un squat comme un autre, parmi la quinzaine de squats que compte l'arrondissement. Le XXème partage, en effet, avec les deux autres arrondissements périphériques de l'Est parisien, le XIXème et le XVIIIème, "une structure urbaine propice aux squats", comme le dit joliment l'Hôtel de Ville.

    Dans le squat de la rue des Haies, les familles vivent dans un grand dénuement. Le confort est plus que sommaire, et pourtant aucune d'entre elles ne s'est déclarée auprès de la mairie pour un éventuel relogement. Le pâté de maisons tient à peine debout, les façades lépreuses sont à la limite de la ruine. Le réseau électrique comme les circuits d'eau sont quasiment inutilisables, et seuls quelques rares points d'eau sont encore en état alors que beaucoup d'autres sont neutralisés pour cause de tout-à-l'égout défaillant...

    Les peintures sont chargées de plomb, et les risques de saturnisme importants. Malheureusement, les cafards ne sont pas rebutés par les peintures au plomb: il y en a partout.

    Quand on arrive à un tel état de délabrement du bâti, la démolition est la seule solution.
    Ici, c'est tout un quartier qui sera reconstruit ...

     

    >> Squat utopique. 

    >> Freddy, squatter "pro".

     

     


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