• Rue Dénoyez _75020 Paris (juin2012)

    Il suffit d’arpenter le pavé bellevillois pour se rendre compte à quel point l’art est partout, … même dans la rue.

    Dans les années 80, de nombreux artistes ont investi les arrières-cours pour y occuper les ateliers désertés par les artisans. Et, en continuant à faire vivre ce patrimoine ouvrier, typique des faubourgs parisiens, ils l’ont mis en valeur.

    C’est justement ce que l’on découvre chaque année au mois de mai à l’occasion des Portes ouvertes des "Ateliers d’Artistes de Belleville" : une concentration insoupçonnée d’artistes et de créateurs, invisibles habituellement car installés en retrait du tumulte de la rue.
    Le plan distribué gratuitement à l'occasion de cet évènement est indispensable pour dénicher - et pas toujours facilement - ces espaces cachés. L'an dernier, ce sont plus de 250 artistes qui ont ainsi ouvert au public les portes de leurs ateliers. 

    Dès sa création en 1989, l’association des AAB (Ateliers d’Artistes de Belleville) s’est inscrite dans une démarche non seulement artistique mais aussi militante. Constituée pour préserver le bas-Belleville alors menacé par un projet de ZAC (une vaste opération de destruction très contestée), l’association a su médiatiser sa cause et faire de l’ouverture des ateliers un rendez-vous original et incontournable. Et, ces mêmes artistes de Belleville ont aussi beaucoup œuvré au sein d'une autre une association "la Bellevilleuse". Ensemble, ces deux associations ont  sauvé le quartier du bas-Belleville des bulldozers.

    Mais à Belleville, s’il est un lieu qui porte en lui tout "l’ADN artiste" du quartier, c’est bien "la Forge". Située au 23-25, rue Ramponeau, cette ancienne usine de clés est blottie au fond d’un terrain vague improbable, avec tout autour des murs recouverts de tags colorés et de dessins gigantesques. Sauvée de la démolition par des artistes-squatteurs, cette friche industrielle est aujourd’hui gérée par … la Mairie de Paris… aussi peut-on se demander si l’esprit purement autonome Bellevillois n'est pas en train de disparaître ?

    Dans le bas-Belleville, impossible de manquer la singulière, l'incroyable, la foisonnante rue Desnoyez. Investie, chargée et surchargée depuis des années par les graffeurs et autres virtuoses du "street-art", cette rue, baptisée par certains "Le paradis du graff" est en effet l’un des rares endroits de Paris où ce mode d'expression est toléré, voire mis en valeur.
    Dans cette drôle de rue, n'hésitez pas à pousser la porte de la "Maison de la Plage" ou de la galerie "Frichez nous la paix" : dépaysement et surprises garantis.  

    Belleville attire aussi désormais de nouvelles galeries qui quittent le centre pour s’installer ici. Cependant il faut bien dire que certaines d’entre elles, peu ouvertes sur l’extérieur et sur les habitants du quartier, attisent les critiques de la communauté artistique locale.

    Enfin, à Belleville, il faut aussi "visiter" les nombreux murs peints du quartier : Némo et ses pochoirs poétiques, Kouka et ses guerriers ou encore Jérôme Mesnager qui, avec ses corps blancs, a marqué de son empreinte de nombreuses rues du coin.

    Au niveau du 50 rue de Belleville et au coin de la rue Julien Lacroix, deux grands murs impressionnants se font face sur la place Fréhel : l’un est signé Ben et l’autre Jean Le Gac. Deux "spots arty" incontournables comme diraient les bobos du quartier ....

    (A suivre …)


    >> Déjà sur Parisperdu : "A Belleville, La Forge n'est plus ce qu'elle était ..."

    >> Les murs peints de Belleville.

     



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  • Marché du boulevard de Belleville_ Paris 20ème

    Quand vous sortez du métro Belleville, dans le bas du quartier, la dimension multiethnique vous saute immédiatement aux yeux.

    Ici tout n'est que mélange, car à Belleville il n'y a pas de secteurs exclusivement dédiés à telle ou telle autre communauté. Chinois, juifs, maghrébins ou africains, tous vivent ensemble, installés ici et là au gré de leurs arrivées, au fil du temps. Ils partagent l’espace avec de vieux prolétaires français, avec des artistes venus de tous horizons mais aussi, plus récemment, avec de jeunes bourgeois-bohèmes, les fameux "bobos".

    Et c’est surtout le long du boulevard de Belleville, puis de celui de Ménilmontant, à l’occasion du marché qui se tient chaque mardi et vendredi, que le visage multiculturel et populaire de Belleville se révèle avec toute sa force.

    Le dimanche, les chinois se rassemblent sur le boulevard de Belleville, autour de la station de métro, pour s'échanger les nouvelles de leur lointain pays. Les vieux "chibanis" (ces immigrés maghrébins qui partagent leur temps entre leur pays d’origine et la France) discutent de façon quasi-permanente, assis sur les rares bancs du quartier. Un peu plus loin, nonchalamment assis aux terrasses des cafés populaires du bas Belleville, les juifs tunisiens partagent à longueur de journée le thé à la menthe.

    Et, si la rue de Belleville, colonne vertébrale du quartier, offre surtout un visage chinois jusqu’à la rue des Pyrénées, il faut savoir se perdre sur les flancs de la colline pour découvrir ici une synagogue, là une échoppe tenue par des maghrébins, ailleurs un traiteur polonais, puis un supermarché asiatique, ou un coiffeur indien, ou encore un restaurant africain.

    Mais les enseignes du monde entier ou les habits traditionnels vus ici, ne sont que la partie émergée de Belleville. Les Portugais, les Yougoslaves, les juifs ashkénazes et bien d'autres encore sont également bien présents même s'ils sont visuellement plus discrets.

    Après avoir dépassé la synagogue au 118 boulevard de Belleville, et en continuant vers le métro Couronnes, on se retrouve au cœur d’un quartier musulman, entre les librairies islamiques et les magasins de hijab concentrés autour de la mosquée Omar-ibn-el-khattab. Mais Couronnes n’est pas pour autant devenu un ghetto musulman car, au cœur de cet îlot, se trouve la mémoire ouvrière et populaire de Belleville : la Maison des Métallos, un haut-lieu du syndicalisme des années 30, reconverti aujourd'hui en un établissement culturel.

    (A suivre ...)

     

    >> La Maison des Métallos, au  94 Rue Jean-Pierre Timbaud, 75011 Paris

    >> Terrasses des cafés "Aux folies" et "Au vieux Saumur"- 10 rue de Belleville

     

     


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  •  La partie haute de la rue de Belleville et la vue sur la Tour Eiffel (Mars 2014)

    Voyager est un art pluriel. Chacun conçoit le voyage avec ses propres attentes, ses propres rêves, ses propres images. Mais voyager ne veut pas forcement dire aller au bout du monde. La découverte, le partage, les rencontres peuvent se trouver à deux pas de chez vous, pour peu que vous soyez curieux, sans à priori et avide de découvrir un monde qui vous change de votre quotidien.

    Si vous êtes de ceux-là, alors le voyage à Belleville est fait pour vous.

    Mais ce n'est pas à un "voyage organisé" que nous vous convions, car pour bien capter les multiples visages de ce coin de Paris, une longue pérégrination en solitaire vous sera nécessaire. Aussi, votre voyage va explorer 5 différentes facettes de ce quartier singulier de la capitale.

    Alors, bienvenue à Belleville.

    Dans un premier temps, avant de partir "sur le terrain" quelques mots sur l'Histoire du quartier seront utiles pour mieux le connaître et donc mieux le comprendre.

    Accroché au flanc d’une colline qui domine Paris, Belleville n’a jamais perdu son identité populaire. Commune indépendante jusqu’en 1860, elle attire alors les parisiens sous les treilles et entre les vignes de ses guinguettes.

    Les grands travaux d'Haussmann qui, sous le Second-Empire, transforment le centre de Paris, ne l'atteignent pas et bon nombre d’artisans et d’ouvriers, chassés du cœur de la capitale, s’installent alors à Belleville.

    A cheval sur les 10è, 11è, 19è et 20è arrondissements, le quartier connaît alors une très forte urbanisation. Elle se prolongera jusqu'au début de la première guerre mondiale.

    Dès les années vingt, Belleville accueille différentes vagues d’immigration qui viennent trouver refuge en France. Ces arrivées de populations diverses n'ont depuis lors jamais réellement cessé et ont donné au quartier ce visage cosmopolite qui le caractérise aujourd’hui.

    Les richesses ethnique et culturelle de Belleville se découvrent certes au fil des trottoirs mais le quartier préserve encore bien des secrets derrière les portes des immeubles aussi, ne faut-il pas hésiter à les pousser … si les digicodes le veulent bien … !.

    Belleville est un patchwork à forte identité et étonnamment vivant. Ici, tout et tous se mélangent : les histoires des hommes comme les décors du quartier.
    C'est un Paris dépaysant, populaire et chamarré qui bouillonne ici.

    Et, aujourd'hui encore, faire le voyage à Belleville reste une expérience à la hauteur de celle qu'entreprenaient dans les années 50, des photographes humanistes comme Doisneau, Izis ou Willy Ronis … Tous venaient immortaliser le Paris populaire du 20ème siècle qui s’exprimait alors pleinement ici.

    Nous vous souhaitons "bonne route et bon voyage" …


    (A suivre …)



    >> Voir aussi : le Petit miracle de Belleville.

     



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  •  Une impasse sécurisée de la villa Faucheur - Paris 20ème - octobre 2005

    Grilles, clôtures, portails automatiques... dans les vingt dernières années, les "communautés emmurées", comme disent les Québécois, sont devenues un élément constitutif de l'habitat parisien. Ces résidences clôturées laminent l'image d'une ville qui se veut "championne  du vivre ensemble", un label que nous servent régulièrement les politiques locaux.

    Si le phénomène touche toute la France, la capitale arrive en seconde position juste derrière Marseille qui détient le record national de l'habitat barricadé. Mais Paris progresse et la tendance au cloisonnement en enclaves résidentielles fermées, est massive. Elle touche tous les types de logements - ancien, récent, individuel, collectif, luxueux ou très modeste - et tous les arrondissements de la ville. D'ailleurs aucun promoteur immobilier ne s'aventure, désormais, à proposer aux acheteurs un projet neuf sans l'étiquette "sécurisée", un euphémisme car en fait il s'agit d'accès totalement contrôlés et de frontières solidement bouclées.

    Et pourquoi croyez-vous que les copropriétaires demandent la fermeture de leurs résidences, de leurs villas, de leurs impasses … ? Pour la sécurité, bien sûr car avec des portails automatiques, il est plus difficile de voler une voiture ou de cambrioler une maison. Mais le sentiment d'insécurité, réel ou supposé, est le déclencheur de bien d'autres demandes. Et les causes de fermeture dépassent largement la problématique de la sécurité. Car au final, ce qui est aussi recherché, c'est la volonté d'entre-soi ...

    Et, plus on se rapproche des grandes cités HLM, notamment dans les quartiers nord, plus le malaise est patent … et plus on se renferme sur soi-même.
    Vous avez dit mixité sociale … ?


    >> Voir aussi : "La villa Faucheur".

    >> Digicode, tu n'es pas mon ami …

    >> Bref entretien, rue Miguel Hidalgo.

     

     


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  • Cité Durmar, 154 rue Oberkampf, Paris 11(Juillet 2012)

    Certains de mes fidèles lecteurs me demandent: "Faut-il avoir connu ce Paris perdu pour bien vous lire" ?
    Certes non, mais ceux qui partagent les mêmes souvenirs et la même expérience du temps perdu retrouveront plus aisément certains itinéraires et mots de passe, même si souvent le Paris que j'évoque est devenu intemporel voire totalement imaginaire …


    Mêlant passé et présent, la ville m'apparaît comme un espace horizontal où les strates temporelles se superposent. Ainsi, les références à l’Histoire sont brouillées, car elles se mélangent aux impressions que la ville exerce sur moi.


    Car
    la ville représente en effet pour moi  un espace un peu irréel où je pars en quête de "je ne sais quoi", traversant les rues, les avenues ou les arrondissements, ou rêvant dans un parc, un square, un café. Arpentant la ville, dans ses dédales, dans ses moindres interstices, je cherche alors à dégager le passé de l’oubli.

    Cette errance, cette promenade à travers la ville et dans ma mémoire est un prétexte, souvent mince, pour reconstituer un certain passé et les fragiles fragments qui le composent.

    Comme Patrick Modiano, je peux dire que le Paris où j'ai vécu et que j'arpente dans ce blog n'existe plus. Et je suis en parfaite résonnance avec Modiano lorsqu'il dit: "Je n'écris que pour retrouver ce Paris. Ce n'est pas de la nostalgie, je ne regrette pas du tout ce qui était avant. C'est simplement que j'ai fait de Paris ma ville intérieure, une cité onirique, intemporelle où les époques se superposent et où s'incarne ce que Nietzsche appelait «l'éternel retour.» Il m'est très difficile maintenant de la quitter. C'est ce qui me donne si souvent l'impression, que je n'aime pas, de me répéter, de tourner en rond".

    Et puis, s'échapper de son quotidien pour déambuler dans la ville comme le ferait un fugueur ne serait-elle pas la seule manière de bien connaître une ville, ses frontières et ses détails, invisibles à l'œil nu?
    C'est comme ça, du moins, que j'ai découvert ce Paris perdu. Prenant sur mon temps de travail, le volant en quelque sorte à mon employeur, j'avais l'impression de dériver au fil de promenades interdites, de vivre de grandes aventures qui n'étaient pas "autorisées", d'être confronté au contexte social de certains quartiers qui m'effrayaient, c'était même parfois un choc violent.

    C'est tout cela que j'exprime dans ce blog et, peut-être ne m'en suis-je jamais remis de cette errance-là et de cette aventure-là …

     

    >> Patrick Modiano vient de recevoir le Prix Nobel de Littérature… une récompense pour son "art de la mémoire".

    >> Paris, de Paul Valéry à Patrick Modiano ...

     

     


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