•  "Le Rectangle" : la photographie pure à la française.
      Ilse Bing : Trois hommes assis sur des marches près de la Seine, Paris, 1931

    En 1937, Emmanuel Sougez fonde, avec le soutien de René Servant et de Pierre Adam, le groupe "Le Rectangle".  Sougez devient alors le Président de la première "Association de Photographes Illustrateurs et Publicitaires" de France. Le nombre de participants est volontairement réduit à 13 (Pierre Adam, Marcel Arthaud, Serge Boiron, Louis Caillaud, Yvonne Chevalier, André Garban, Pierre Jahan, Henri Lacheroy, Gaston Paris, Philippe Pottier, Jean Roubier, René Servant et Emmanuel Sougez).


    Le Rectangle prône l’élitisme tout en militant pour une "photographie française" car Sougez croit en une nationalité de la photographie professionnelle, en un génie photographique spécifiquement français.
    Par ailleurs, le président du Rectangle est parmi les premiers à percevoir la dichotomie qui existe entre la pratique professionnelle de la photographie et la formation des photographes, il sait aussi que les photographes sont formés "sur le tas" ou, s’ils en ont les moyens, au sein d’établissements étrangers (Tabard aux États-Unis, Zuber et Ilse Bing en Allemagne, par exemple). Il veut donc lutter contre cette vague de photographes étrangers ou formés à l'étranger qui, depuis dix ans, déferle sur Paris, imposant selon lui : "d’infâmes images sans valeur ni soin".

    Pour Sougez, il y a donc les bons et les mauvais photographes. Ces derniers écraseraient par leur pléthorique production le travail des premiers qui, de facto, deviendraient invisibles des galeristes, des éditeurs et des patrons de presse.
    Sans doute les photographes du Rectangle sont-ils de bons professionnels, mais leur photographie et leurs pratiques n’existent déjà plus aux yeux du public quand ils portent leur groupe sur les fonts baptismaux. Et, leur unique exposition de 1938 va démontrer un énorme décalage avec la réalité du moment car le nouveau média photographique n’est pas un art mais, comme le démontre Gisèle Freund, il est surtout un "puissant instrument politique" et, avec le cinéma, "un réel besoin pour le public". La presse illustrée n’est plus celle que Sougez connaît depuis longtemps car dans Vu, dans Regards, la photographie n’illustre plus le texte, elle est article à part entière.

    Pendant l’Occupation, alors que bon nombre de photographes seront contraints à l’exil, alors que certains devront se cacher, la plupart des membres du Rectangle continuent à travailler et en 1941, agréés par Vichy ou par les autorités allemandes, les photographes du Rectangle accepteront la censure pour continuer à pratiquer "leur" photographie.
    Toutefois à partir de 1942, Le Rectangle est contraint de mettre ses activités en sommeil. Dès la guerre finie, ils feront renaître leurs rêves en fondant, en 1946, le "Groupe des XV" dont la doctrine est : "Respect du procédé – vraie photographie – négatif parfait". Et si possible, pas de retouche, cette bonne à tout faire des mauvais photographes ! Pas de flou non plus, ce "style de myope" ! Et le plus possible d’idées neuves, d’angles nouveaux, d’originalité. Seule compte la bonne vieille tradition, celle des Nadar, Atget … mais c'est aussi celle qu'adoptera avec un souffle nouveau un certain … Henri Cartier-Bresson !


    >> Ilse Bing :  Autoportrait aux deux miroirs (1931)

    >> Le Groupe des XV

     >> Les inconnus du Groupe des XV



     

     
     

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