• La découverte des cours et des arrière-cours des immeubles Bellevillois a longtemps été l'un de mes "sports" favoris. Quitter la foule et les vrombissements de la rue pour pénétrer dans ces espaces paisibles et hors du temps, a toujours été pour moi l'une des expériences les plus gratifiantes que l'on puisse s'offrir dans Paris. A chaque fois, vous allez à la découverte d'un territoire inconnu, d'un monde invisible, inimaginable.

    Jusqu'au jour où il n'a plus été possible de pousser la moindre porte, d'ouvrir le plus petit des portails. Les digicodes s'étaient généralisés… Maintenant, ils vous interdissent à jamais tout accès vers la "terra incognita", et vous laisse pantois dans la rue, face à d'hermétiques façades …

    Bien sûr, la sécurité des biens et des personnes justifie sans doute cet équipement, mais il déshumanise profondément l'approche d'un quartier… On en vient à regretter la disparition des concierges et des gardiens d'immeubles dont la conversation était bien plus vivante que celle d'un clavier en acier brossé … Non, décidemment, digicode, tu n'est pas mon ami !

    Aussi, je reprends volontiers à mon compte ce couplet de MC Solar :

    " Naguère, les concierges étaient en vogue.

    Désormais, on les a remplacées par des digicodes…

    Dans ma ville, il n'y avait pas de parcmètres.

    Je voyais des ouvriers manger des sandwiches à l'omelette...

    L'air y était plus pur, Paris était plus beau "


    >> Voir aussi le sketch de l'humoriste Marc Jolivet qui met en scène un homme ivre souhaitant rentrer chez lui au milieu de la nuit en ayant oublié le code d'entrée.





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    Cour-jardin du 159 rue de Pelleport Paris 20ème.

    Lorsque je pénètre dans une arrière-cour ou dans une cour-jardin des quartiers de Belleville ou de Ménilmontant, je retrouve souvent ce sentiment très particulier: nous ne sommes plus dans les années 2000, mais peut être dans les années cinquante ... ou soixante!
    L'isolement du lieu aurait-il ralenti le temps ?


    Il en résulte alors une impression étrange, de bien-être et d'optimisme qui recrée l'ambiance d'une époque où l'on croyait encore à l'avenir ...

    Certains esprits critiques vont sans doute me taxer de nostalgie.
    Mais la nostalgie est à l'homme ce que la jalousie est à l'amour. Elle est inhérente à notre condition. Et elle, au moins, elle rassure …  

    Mais n'est-elle pas, chez moi, trop exacerbée ?

     

    C'est vrai, je regrette l'époque où l'on prenait son temps. Je ne suis pas sûr que la vitesse rende plus heureux. Ni la mode d'ailleurs, qui nous rend esclave des apparences … Laissons tout cela aux bobos ... qui envahissent maintenant l'Est parisien … encore une raison de regretter notre vieux Belleville, celui du temps où il était encore un quartier "populaire". L'on vivait ici dans des conditions souvent modestes, et même parfois difficiles mais avec une grande solidarité et un réel attachement à son "village".
    Et du Bas-Belleville au Haut-Belleville, en passant par Charonne ou  Ménilmontant, transpirait alors une certaine joie de vivre.

     

    >> Voir aussi sur Parisperdu : "Impression, rue du Retrait"

     

     


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  • C'est rue de l'Ermitage, dans le 20ème que nous rencontrons Fabio. En cette fin d'après-midi, il s'adonne à quelques exercices.
    Il avait commencé à réparer sa mobylette, mais cela ne va pas comme il veut, aussi change-t-il de sujet ...
    Pour se décontracter un peu, il a pris, dans la sacoche de son engin, les trois balles de tennis qui ne le quittent jamais. Pourtant Fabio n'est pas un adepte de ce sport, ses balles ne rencontreront jamais de raquette ... car sans cesse elles tournoient entre ses mains expertes.
    Fabio est un as du jonglage. Une activité qui est pour lui bien plus qu'un hobby, car il fait partie des Ballapapass, une
    association parisienne de jongleurs et d'artistes de rue. 

    Dans quelque temps Fabio se produira à "Balles Habiles à Belleville"
    un événement parisien qui combine, chaque année sur les pelouses du parc de Belleville, la Convention de jonglerie et le Festival d'Arts de rue.

    Fabio devient alors Mosquito, un personnage clownesque drôle et touchant, dont les numéros de jonglerie explorent des univers aussi divers que le quotidien, la danse, la guerre, l'amour...

    Déjà ici, rue de l'Ermitage, Fabio-Mosquito nous a montré un aperçu de ses capacités ... en véritable professionnel des arts de la rue.

    J'espère qu'un jour, vous aussi, vous aurez la chance de rencontrer ce personnage attachant ... à Belleville ou ailleurs ! Alors en attendant, et comme disent les rappeurs : "Respect" !



    >>
    Les Ballapapass et "Balles Habiles à Belleville"

    >>"Balles Habiles à Belleville" devient "100 balles"


     


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  • Ecluse du Square Eugène Varlin - Canal St Martin Paris 10ème

    Raymond aime son métier de batelier indépendant, parcourant les canaux de l'Est et du Nord de la France. Contrairement au marinier-salarié d'une grande entreprise dont les tâches et les horaires sont bien définis, Raymond est un homme libre.
    Il est le propriétaire de l'Aster, un bateau transmis par son père qui était lui aussi batelier ... On n'arrive pas dans ce métier par hasard. C'est souvent une affaire de famille.
    Et cela continue car Raymond travaille en couple avec Ginette, sa femme, qui l'assiste dans les manœuvres délicates et le remplace à la barre quand il s'occupe de l'entretien. Car à bord des petites péniches, comme sur l'Aster, il n'y a pas de mécanicien. C'est au patron d'assurer les petites réparations sur le moteur, de surveiller les niveaux d'huile, de prendre soin de l'installation électrique, de la robinetterie ... Il faut savoir se débrouiller seul, mais cela ne dérange aucunement Raymond, au contraire, il adore cette liberté d'action.

    Raymond et Ginette sont parfois aidés d'un matelot, pour les longues périodes de navigation, lorsqu'ils vont à Rotterdam ou en Allemagne ... Raymond préfère toutefois éviter cet équipage car "un matelot à bord, ça vous bouffe le bénéfice" dit-il.

    Aujourd'hui, dans le transport de marchandises, les artisans, comme Raymond, ont du mal à survivre face à la flotte industrielle. Pour s'en sortir, certains de ses collègues ont été amenés à s'orienter vers le tourisme fluvial. Une perspective que Raymond se refuse à envisager, il préfère sa vie de bohème, entre tâches polyvalentes ... et revenus aléatoires.


    >> Voir aussi sur Parisperdu : la traversée du 10ème via le canal St Martin.

     


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  • Place des Vosges, 1972


    En cette après-midi d'été, lorsque je pénétrai sur la place des Vosges, mon regard fut immédiatement attiré par une masse sombre, celle d'une auto pas comme les autres...

    Il s'agissait d'un London cab, un ancien taxi londonien. Je fis une photo où "l'engin" se coulait dans la célèbre perspective des arcades de la place. Mais je n'étais pas sûr du résultat. Aussi, me rapprochai-je du véhicule, en pensant à Robert Capa, ce photographe de guerre qui disait: "Si ta photo n'est pas bonne, c'est que tu n'étais pas assez près".

    Et là, quelle ne fut pas ma surprise: à l'intérieur du "cab", se tenaient deux messieurs: l'un, assis, avait gardé son chapeau, l'autre allongé, l'avait posé à côté de lui. Tous deux étaient immobiles, ... morts peut-être. Mais soudain un léger ronflement s'échappa par la vitre baissée, tous deux dormaient ... profondément.

    Comme souvent dans ces cas-là, face aux scènes insolites que je photographie, je me mets à imaginer l'histoire de la photo. Que faisaient donc ces deux dormeurs place des Vosges ?

    J'ai d'abord pensé qu'ils étaient partis de Londres, qu'ils avaient roulé toute la nuit, et que d'épuisement ils s'étaient endormis à leur arrivée à Paris. Ou peut-être encore, de façon plus improbable, qu'après avoir pénétré, par hasard, place des Vosges, ils n'en avaient plus retrouvé la sortie et après avoir tourné en rond, pendant des heures, le sommeil avait eu raison d'eux ...!

    Plus sérieusement, j'ai extrait cette photo de mes archives après avoir vu l'exposition de Robert Frank, "Paris/Les Américains" au  Jeu de Paume, car l'une de ses photos ("Detroit, 1955") me semble faire écho à nos "Dormeurs de la place des Vosges".

    Les photos de Robert Frank, un des derniers géants de la photographie du XXème siècle, témoignent d'une prise de parole neuve - pour son époque - qui rapprochait, de façon vraiment révolutionnaire, le photographe du sujet photographié. Dans la rue aussi, "si ta photo n'est pas bonne, c'est que tu n'étais pas assez près".


    >> Robert Capa, photographe de guerre

    >> Robert Frank, "Paris/Les Américains" au  Jeu de Paume



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