• Rue Gasnier-Guy, 1997

     

    Le secteur de la rue Gasnier-Guy et de la rue des Partants est un territoire en bout de piste, loin de tout, comme égaré dans la cité.

    Désormais tout est immobile, déchiré, encombré de détritus, pillé de tout ce qui n'est pas pierre ou minéral.
    C'est comme un  village perdu qui dresse encore ses oripeaux au-dessus des pavés usés de la rue en dos d'âne.

    Ici, seul un pan de mur témoigne. Ailleurs, on croise un homme solitaire, rescapé de l'exode et du lent abandon qu'a connu le quartier. Le temps n'est plus le même dans ce coin du 20ème arrondissement  et ce qui était hier un village s'est aujourd'hui endormi et semble doucement s'enfoncer dans un linceul de pierres.
    Chaque village perdu porte les ruines de notre mémoire.

    Mais il suffit d'un regard, un jour de promenade lorsque s'estompent les bruits du quotidien, pour retrouver les images de ces vies oubliées. Un rien, une poupée, une assiette en porcelaine, abandonnés dans un  rayon de soleil, et les souvenirs se redressent …



    >> Voir aussi sur Parisperdu: "Vers l'infini et même au delà …" 

    >> Voir aussi sur Parisperdu: "Démolition des murs ... démolition des vies ..."

    >> Voir aussi sur Parisperdu: "Murs abattus et baignoires rémanentes".

    >> Voir aussi sur Parisperdu: "Chaos debout !"

    >> Voir aussi sur Parisperdu: "Une rage de destruction".
     

     

     

     


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    Les tours des Olympiades. Au premier plan, le seul bâtiment restant des usines Panhard et quelques rares maisons rescapées.

     

    L'opération Italie 13 est la réponse-type au diagnostic souvent formulé, dans les années 50, par les architectes et les politiques pour l'aménagement des arrondissements périphériques de Paris.


    Ce diagnostic est le suivant: ces arrondissements comprennent de nombreux îlots jugés insalubres ou simplement "mal construits". Comment améliorer cet existant "bancal" ?
    La réponse sera celle-ci: la rénovation de ces îlots doit se faire non par un simple assainissement des immeubles mais par une réorganisation d'ensemble de ces quartiers dans l'esprit de la Charte d'Athènes de Le Corbusier, à savoir: construction en hauteur afin de libérer des espaces au sol et ainsi assurer aux appartements une meilleure luminosité, mais aussi: séparation des voies destinées à la circulation automobile de celles consacrées à la desserte locale et aux trajets piétonniers.
    L'opération Italie 13 illustre à merveille ce programme. Mais nombre de principes pourtant essentiels pour Le Corbusier ont été oubliés pour ce quartier, comme celui de vastes parcs entourant les tours ...

     
    Autour de l'avenue d'Italie, on pratiqua donc la politique de la table rase afin de pouvoir construire - sur 87 hectares - une cinquantaine de tours. Finalement seulement 34 d'entre elles, seront érigées.
    Les tours doivent toutes avoir à peu près la même hauteur : une trentaine d'étages. Les architectes en charge du projet estiment en effet que l'urbanisme de tours, loin d'opérer une rupture traumatique avec le passé, prolonge la vieille tradition parisienne de l'unité de hauteur des bâtiments !?!

    Le résultat de l'opération ne sera pas vraiment un succès. A l'origine, dans les années 70, l'opération Italie 13 visait à séduire une population de jeunes cadres, en tablant sur le modernisme du quartier et la présence de nombreux équipements scolaires et sportifs. Or les tours, éloignées du centre de Paris, trop standardisées dans leur architecture, n'ont pas séduit les Parisiens.
    Loin de la structure traditionnelle du tissu urbain, le quartier a dérouté les futurs acquéreurs, car certaines rues où vous aurez votre adresse - comme les rues du Javelot et du Disque - sont totalement invisibles, enfouies sous la dalle, elles sont inaccessibles aux piétons et quasiment introuvables.

    Les tours sont alors restées inoccupées pendant plusieurs années et l'opération aurait sans doute été un échec cinglant sans l'arrivée des premiers réfugiés vietnamiens vers 1975. Ils vont rapidement occuper les lieux, vivant à plusieurs familles par appartement afin de payer les loyers élevés. Ils seront suivis par d'autres vagues de réfugiés et d'immigrés cambodgiens, laotiens, puis chinois. Beaucoup ont ouvert ou repris de petits commerces faisant ainsi le quartier asiatique que l'on connaît.

    De nos jours, le quartier Italie 13, dont la maintenance est complexe et coûteuse, fait l'objet de projets de rénovations lourdes …
    Mais cette fois, la politique de la table rase n'est plus à l'ordre du jour … et pourtant … ! 


    >> Voir aussi, sur Parisperdu : "Des tours à Paris : pour quoi faire ?"

     

     


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  • Qui aurait cru, au lancement de ce blog - exclusivement francophone et spécialement dédié aux amoureux de Paris, d'un certain Paris - que le million de visiteurs serait atteint aussi rapidement.
    Et cette barre symbolique vient d'être franchie ce week-end !

    A croire qu’il y a, et c’est bon signe, 1 000 000 d'amoureux de Paris ou 1 000 000 d'internautes se demandant pourquoi Paris est-il perdu ou peut-être encore 1 000 000 de personnes cherchant à retrouver un certain Paris ?

    Quoiqu’il en soit, les mathématiques n’étant pas une science aussi exacte que cela, la vérité est sûrement un peu différente … et ce million de visiteurs est certainement une combinaison de toutes ces hypothèses.

    Aussi, je prends ce chiffre symbolique avec beaucoup de recul et surtout comme une motivation supplémentaire pour continuer à dialoguer avec vous sur cette thématique parisienne qui nous tient tant à cœur.

    Merci pour vos visites et pour votre régularité à venir et à revenir sur Parisperdu …

    Avec vous, … le voyage continue !

     

     

    >> Il y a 2 ans, Parisperdu atteignait tout juste les 100 000 visites !

     


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  • Square de l'Amiral Bruix, à la porte Maillot, un petit cirque s'installe de temps à autre et invite aux attractions. Autour du chapiteau, le campement est encombré de caravanes cabossées, de tentures délavées, d'enclos pour les animaux … Mais, au-delà de ces apparences, le Cirque, c'est avant tout une âme.

    Une âme faite de générosité et de l'amour des belles traditions. Les modes passent, les valeurs essentielles restent. Ici, on travaille en famille, toutes générations confondues, chacune d'entre elles enrichissant l'autre de son savoir. Le grand-père clown entraîne son arrière-petit-fils sur la piste pour qu'il y fasse ses premières cabrioles. Le père, la mère, le fils, la fille, la belle-fille, la sœur, la nièce, la cousine... Toutes et tous se ressemblent : ils ont le même sourire, la même joie d'exercer leur métier.

    Même les animaux sont considérés comme des membres de la famille : on dresse en douceur les tigres, on crée une représentation humoristique et poétique pour les chiens, les otaries …, on fait parader fièrement les zèbres, les lamas, les chameaux ...

    Le Cirque, c'est une bouffée d'oxygène, c'est aussi le plaisir de retrouver ce que l'on a en soi et que l'on oublie souvent : la possibilité de rire et de rêver, ne fût-ce que le temps d'un spectacle, et c'est une nécessité.

    D'un seul coup, toutes les lumières s'éteignent. Les flonflons battent la cadence. Les enfants, bouche bée, écarquillent les yeux. Le public, conquis d'avance, retient son souffle... Place au spectacle et à l'émotion.


    >> Voir aussi sur Parisperdu: "C'est quoi ce cirque ?"

    >> Voir aussi sur Parisperdu: Alexandre Romanès et son cirque tzigane.

    >> Izis : un maître de la photo, un amoureux du cirque. 



      


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  • Les émigrés chinois se comptent par dizaines de milliers à Belleville. Qu’ils viennent de l'ex-Indochine, de Wenzhou, au sud de Shanghai ou de Dongbei, au nord-est de la Chine, ils restent largement méconnus du reste de la population de ce quartier populaire de Paris car, parmi eux, beaucoup sont "sans papiers" et cherchent à rester discrets.

    Ces "Chinois sans-papiers" n’ont ni nom, ni existence officielle, et pourtant ils sont nombreux à peupler les rues de Belleville. S'ils se mélangent peu avec le reste des habitants du quartier, c'est que la barrière de la langue est bien réelle. Et peu de Wenzhou font en effet l’effort d’apprendre le français, par manque de temps ou par facilité car ils connaissent toujours un parent pour faire la traduction. Soutenus par un groupe extrêmement solidaire, ils demandent très rarement de l’aide à l’extérieur. Pourtant, beaucoup pourraient le faire afin de mener à bien leurs régularisations, mais l’affaire emblématique de l’école Rampal a renforcé la crainte de la police et accentue le repli sur soi. Nombreux sont les Chinois qui ne sortent pas beaucoup de chez eux et ne fréquentent que leur famille.


    Entre eux, l’entraide fonctionne à plein, comme en témoigne la multitude de petites annonces rédigées en mandarin et qui couvrent les vitrines des commerces. On y vend un peu de tout et on y offre divers services, comme la garde d’enfants ou des heures de ménage. On y trouve aussi des cigarettes de contrebande. Des annonces proposent même une quittance EDF, ou une carte vitale à partager … !

    À Belleville, la myriade de restaurants et de magasins d’alimentation laissent entrevoir l’importance du commerce chinois qui s’est mis en place. Mais tout le monde n’a pas aussi bien réussi. Pas loin du boulevard de Belleville, on rencontre fréquemment des prostituées chinoises. Elles marchent très lentement et regardent les hommes "droit dans les yeux". Sur le trottoir d’en face, trois autres femmes attendent en groupe. Ces prostituées sont en général originaires de Dongbei, une province qu'elles ont quittée pour fuir une grande précarité. Les "Dongbei" sont très minoritaires ici, à Belleville, ce qui fait qu'ils ne bénéficient d’aucune entraide, contrairement aux Wenzhou qui représentent 85% de la communauté chinoise de Belleville. Quant aux hommes, ils cherchent à survivre grâce à différents petits boulots. Au coin d’une rue, ils sont deux, accroupis autour d’un sac, à échanger des magazines. Ce sont des revues qu’ils récupèrent dans les poubelles et revendent plus loin sur un marché. Ils font la même chose avec les vêtements …

    Avec la crise actuelle qui, en Chine aussi, ferme les usines et l’exode rural qui malgré tout continue, les vagues de migrants ne sont pas prêtes de s’arrêter. En attendant, se poursuit à Belleville la chasse aux "sans papiers", les isolants toujours un peu plus du reste de la population …


    >> L’affaire de l’école Rampal (mars 2007).

     

     


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