• Pendant une grande partie des années 90, des secteurs entiers de Belleville ont ressemblé à une ville fantôme.

    Les promoteurs qui, avec l'aide de la ville, ont préempté le quartier, on eu parfois du mal à faire jaillir de terre leurs immeubles flambants neufs. Alors, pendant des années, aux rez-de-chaussée, les portes sont restées murées. Des rideaux de fer, rouillés, étaient invariablement descendus sur toutes les devantures des cafés, des snacks, des épiceries, ... Plus grande activité dans le quartier ... même le coiffeur en est réduit à aller "peigner la girafe" !

    Aux étages, des dizaines, des centaines de volets fermés en plein jour, et ... parfois, seul un pot de géranium, là-haut, au cinquième, dans l'encadrement d'une fenêtre ouverte, nous signale la présence d'un irréductible qui résiste encore et toujours à l'envahisseur.

    Car les habitants, installés ici depuis dix, vingt, trente, quarante années, n'ont pas quitté la place en sifflotant, guillerets... Les personnes âgées ont subi une forme d'intimidation, elles ont reçu des courriers et des visites d'individus leur demandant de partir.

    Avec d'autres, plus jeunes ... la seule injonction n'a pas suffi. Alors, on a eu recours à des méthodes moins avenantes : de faux squatteurs ont envahi les immeubles, détruit des canalisations, pourri la vie des locataires attitrés. Ailleurs, des départs d'incendies ont éclaté. Ailleurs encore, on a glissé des enveloppes ... Et, aussitôt l'appartement vidé, des "dévitaliseurs" entrent en action : on casse la toiture et les vitres, on démonte les canalisations, les toilettes et la salle d'eau ... tout cela pour éviter que quiconque ne puissent revenir s'y loger.

    Les moins vulnérables se sont regroupés au sein de collectifs. Ils ne demandent qu'une chose : que les nouveaux appartements demeurent accessibles à tous. Ainsi, les locataires les plus combatifs, ou les mieux protégés (par des "lois 48", par exemple) seront recasés dans le parc social du quartier. Mais la plupart seront renvoyés en banlieue Nord ou Est, dans les barres d'HLM.

    La violence du processus, sa soudaineté, son volontarisme rendent ici visibles, palpables, un embourgeoisement accéléré et son corollaire, l'éviction du peuple en périphérie.

    Mais, bien souvent, la seule loi du marché suffit à transformer, "en douceur", et ...presque      "naturellement", des quartiers entiers et leurs populations : une hausse constante du prix de l'immobilier contribue à "moderniser" la cité plus sûrement et plus discrètement que tous les dévitaliseurs"....


    >> Voir aussi : "Démolition des murs ... démolition des vies"< 
     

    >>
    Voir aussi : "Odette, quatre fois vingt ans"


     


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    Ménilmontant, tout comme Belleville - son voisin - sont tous deux et depuis bien longtemps des quartiers multiethniques.

    En redescendant des hauts de Ménilmontant ou en remontant du bas de Belleville, vous allez trouver ici un échantillon représentatif des deux tiers de l'humanité, sur moins de deux hectares... Chaque habitant de ces quartiers est donc naturellement immergé dans le multiculturalisme.

    Mais Ménilmuch' a bien changé, son côté très popu et un peu canaille a aujourd'hui fait place a une ambiance plutôt "bobo-chicos", et ... progressivement la physionomie des rues a été profondément modifiée : les merceries ont été remplacées par des cybercafés, les cordonneries par des galeries et les brasseries par ... des Mac Do.

    Au cours de ces vingt dernières années, les appartements de Ménilmontant ont vu leur population changer radicalement. Les nouveaux habitants ne sont plus ces locataires-résidents de condition modeste qui peuplaient encore majoritairement le quartier jusqu'au tournant des années 90.
    Aujourd'hui, graphistes, journalistes, photographes, architectes ou designers... en sont les propriétaires-occupants. Ceux-ci ont rénové l'habitat et tous goûtent ici, au cœur de ces quartiers de traditions populaires, un nouvel art de vivre ...

    Aussi, profitant d'une demande en forte hausse, les agences immobilières prolifèrent ... Certaines n'hésitent pas à proposer des greniers de 50 m2 au prix de 300 000 euros, ... travaux à prévoir !

    Le sociologue Jacques Donzelot qualifie ces nouveaux habitants aux allures vaguement bohèmes de "classe émergente de la mondialisation".
    Ménilmontant et sa sœur jumelle Belleville, les "multiculturelles" se trouvent donc, plus que jamais, au cœur de la mondialisation ...


    >> En savoir plus sur Jacques Donzelot.

     

     


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  •  Crédit Photo: Sipa Press / Eric Hadj.

     

    "A 20 km de la Tour Eiffel" est le titre de l'exposition d'Eric Hadj qui se déroule actuellement à Perpignan, dans le cadre du Festival "Visa pour l'image 2007". Les photographies présentées sont le fruit de son immersion dans la Forestière à Clichy-sous-Bois, la résidence d'où sont parties les émeutes de 2005.

    La Forestière est une résidence privée au cœur de Clichy-sous-Bois, construite dans les années 70. Elle est devenue, trente ans plus tard l'une des résidences aux immeubles les plus dégradés sur le territoire national.
    Près de 3000 personnes issues de l'immigration habitent La Forestière. 50% des personnes sont au chômage, surtout des jeunes ...

    Un seul bus rallie Clichy-sous-Bois au reste du monde, le 601. Il vous emmène à la ville voisine du Raincy, où l'on peut prendre le RER pour rejoindre le cœur de Paris. L'aller et retour pour Paris revient à presque 9 euros. Trop cher pour se payer un ticket tous les jours. Alors les jeunes passent leur temps dans la "Fofo", la "Forest", le "Ghetto", en jouant au foot ou à la Playstation devant la télé. Ils n'ont toujours rien à faire, ... c'est tous les jours dimanche.

    Chômage, échec scolaire et problèmes familiaux forment un terrain propice à la délinquance. La débrouille pour trouver de l'argent, l'échange des bonnes adresses pour ne pas payer les vêtements au prix fort : l'entraide est importante entre jeunes. Ils forment une famille. Presque tous nés en France, ils trouvent injuste d'habiter ici. La conduite sans permis et le défaut d'assurance sont les délits les plus courants. D'autres commettent des délits plus graves, mais cela reste le fait d'une minorité.

    En novembre 2005, la résidence s'enflammait comme les autres cités voisines. Mais à La Forestière très peu de voitures ont brûlé ... et surtout pas celle-ci que des jeunes taguent, ici, à la demande de son propriétaire, lequel participe à l'opération. Ainsi, porteuse de tous ces signes que seuls leurs auteurs savent déchiffrer, la voiture fera réellement partie de la cité.

     

    >>  Eric Hadj à Perpignan /Festival "Visa pour l'image 2007" 

     

     

     


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  • A Belleville, le haut de la rue des Envierges - avec son panorama unique sur Paris - a de tout temps attiré les réalisateurs de films.

    En 1950, j'y ai vu tourné plusieurs scènes du  "Château de verre", un film de René Clément avec Jean Marais et Michelle Morgan. J'ai aussi assisté au tournage d'une séquence d'un film dont je me souviens plus du titre ... Kirk Douglas y jouait un soldat de l'armée américaine libérant Paris.

    Dans le passage Botha, j'ai été époustouflé par des ouvriers du "septième art" qui ont transformé, en moins d'une heure, une cordonnerie en menuiserie : rien n'y manquait, établi, outils, copeaux, ... le décor de la devanture fut posé d'un seul morceau.

    C'est là aussi, que j'ai pu voir, de très près, Serge Reggiani et Simone Signoret "en costume 1900" pour une scène de "Casque d'or". Pour ce film mythique, nous, les gamins du quartier, avons joué "à chat" et ... nous étions même ... payés pour cela !

    Et c'est dans cet immeuble d'angle, au dernier étage, que fut tourné - 1959 - une séquence du  film d'Henri Verneuil "Le Grand Chef", avec Fernandel et Gino Cervi en kidnappeurs d'un petit diable. Tout en haut de ce longiligne immeuble, depuis la toute dernière fenêtre, on voyait, dans l'immeuble d'en face, la boutique du marchand de vin Letourneau chez qui on allait chercher le gros rouge  "à la tireuse", en se servant soi-même ...

    Mr Letourneau faisait également "bar", et c'est-là qu'un jour, Raymond Pellegrin offrit un café au jeune homme que j'étais alors...

     

    >> "Château de verre", un film de René Clément

    >> "Le Grand Chef", un film d'Henri Verneuil 
     

    >> Raymond Pellegrin : un acteur français qui effectua une grande partie de sa carrière en Italie.

     


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  • Pochoir et aphorisme de Miss-Tic : "C'est la vie, ça va passer ..."

    Avec l'art-urbain, on est loin des concours de tags et autres graffitis qui salissent nos murs, vandalisent les devantures des commerces, les véhicules, les pilles de ponts ...

    Ici, il s'agit d'une culture urbaine authentique... qui a désormais ses maîtres, ses disciples ... et aussi ses électrons libres.

    Tous ces artistes urbains ont quelque chose en commun, ils veulent le beau, la surprise, le dérangement, la poésie accessibles à tous ...

    Par leur travail sur les murs, ils incitent les citadins à la flânerie, à la promenade, à la découverte. L'observateur est donc quelque peu dérouté, le public l'est moins et souvent s'arrête spontanément quelques secondes pour admirer une œuvre sur un mur lépreux devenu à nouveau digne d'intérêt.

    Alors, levez les yeux, scrutez les recoins, les palissades, les immeubles en attente de démolition : insolents, ironiques, amicaux, agressifs, les pochoirs et les graffs vous interpellent.

    Les artistes de l'art-urbain sont ceux qui ornent les vilains murs de la ville pour nous la rende supportable ...


    >> Voir aussi Street-Art ...

    >> L'art-urbain dans Parisperdu

    >> Miss-Tic : 20 ans d'aphorismes dans la rue !  

                              *
    Les aphorismes : 2006

                              * Les aphorismes : 2005-2001

                              * Les aphorismes : 2000-1995

                              * Les aphorismes : 1994-1990

                              * Les aphorismes : 1989-1985

    >> Miss-Tic, ailleurs dans Parisperdu.   

     

     


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