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Pont Notre-Dame Paris 4ème
Paris été 1972 : la nuit a été blanche. Avec mon petit groupe d'amis nous avons discuté toute la nuit, mangé un peu mais bu sans trop de modération. Passées quatre heures, la fatigue commence à faire son effet : les conversations sont moins enflammées, les bouteilles sont presque vides... Certains parlent maintenant de rentrer. Ceux qui habitent le quartier vont rentrer à pied. Pour les autres, impossible de prendre le métro, il n'est pas encore en service à cette heure très matinale. Pour ceux-là un ami qui a une voiture propose de les conduire chez eux… Conduire, est-ce bien raisonnable après cette longue soirée ? Mais l'insouciance inhérente à la vingtaine de nos années fait que personne ne se pose la question.
La voiture est une sportive rouge vif, une Alfa Romeo. De surcroît elle est décapotable : on retire donc sa toile pour voir la nuit étoilée et nous montons à cinq dans le bolide.
Sur la route, dès les premiers mètres, c'est une sensation incroyable, inédite et très forte : Paris est à nous, à nous tout seul car les avenues sont vides… complètement vides : pas d'autres voitures, même pas d'autres humains. Avec l'air qui nous fouette le visage nous avons l'impression de nous engouffrer dans la ville, une ville complètement déserte… et à allure folle car dans Paris à cette heure, rien ne vient nous ralentir.
Mais justement quelle heure est-il ? L'un de mes amis regardant sa montre nous crie : "Il est cinq heures" et il enchaine en s'adressant au chauffeur : "Mets la K7, mets la K7…"
Le pilote s'exécute et, poussant le volume à fond, la voix de Jacques Dutronc retentit : "Il est cinq heures Paris se lève".
C'est un émerveillement car la chanson est en parfaite adéquation avec ce que nous vivons : c'est la bande-son idéale pour le film qui se déroule à grande vitesse sous nos yeux, où toutes ces avenues, tous ces monuments se ruent vers nous !
Et l'air aigrelet de la flûte traversière qui se fait entendre en arrière-plan de la voix de Dutronc vient magnifier le panorama qui file devant mes yeux quelque peu ébahis, le panorama d'un Paris vierge, vide de tout et qui se donne à nous… à nous seuls.
Maintenant le jour peut bien se lever car je sais que j'ai vécu jusqu'au point du jour une expérience extraordinaire...inoubliable.
Merci la nuit, merci Paris.
>> Il est cinq heures Paris se lève, une chanson de Jacques Lanzemann interprétée par Jacques Dutronc.
>> L'Alfa Romeo Spider de cette folle équipée.
(Photo : courtoisie de Marcel Barteau/concessionnaire Alfa Romeo)