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Fin 2016, le quotidien régional Var-matin annonce : "L'enfant à la baguette de Willy Ronis, vit à Hyères, il s'appelle Jean Brosseron". Mais lorsque je prends connaissance de cet article, je vois tout de suite que quelque chose cloche.
En effet, sous la célèbre photo de Ronis la légende du journal régional dit :
Le Petit Parisien, également nommé 'L’enfant à la baguette' a été photographié en 1952, boulevard Haussmann à Paris.
Boulevard Haussmann ! : voilà le problème, voilà pourquoi je comprends tout de suite que quelque chose ne va pas car je le sais : cette célèbre image n'a pas été prise boulevard Haussmann… mais dans le 15ème arrondissement de Paris.
En effet dans "Willy Ronis par Willy Ronis / regard inédit d'un photographe sur son œuvre" (un ouvrage édité chez Flammarion en 2018) Ronis a rédigé pour chacune de ses meilleures photographies un commentaire fait de souvenirs et d'anecdotes et pour "Le petit parisien" il mentionne :
"Ce garçon-là, je l'ai retrouvé grâce à sa belle-mère qui, un jour, s'est manifesté et m'a téléphoné. Grâce à cette femme, j'ai pu aussi retrouver le nom de la rue où j'avais fait cette photo : la rue Péclet dans le 15ème. D'ailleurs au dos du contact la localisation est confirmée : 2 rue Péclet, 20 mai 1952, j'avais même inscrit les initiales du gamin : P.B". Mais P.B ce ne sont pas les initiales du varois Jean Brosseron !
Et Ronis d'ajouter : "Je suis retourné rue Péclet pour voir si j’allais retrouver la porte, si j’allais me souvenir. La maison n’avait pas été ravalée, c’était exactement le même décor, et j’ai eu la preuve que c’était bien là parce que sur le cliché complet il y avait en bas de ce mur un regard pour le gaz, comme une petite boîte en fonte, qui était resté à la même place. Le regard n’avait pas bougé pendant toutes ces années !"
Personnellement je peux ajouter qu'en 2006, lorsque Willy Ronis m'avait invité chez lui -rue de Lagny- et il m'avait alors raconté l'histoire de cette photo et parlé de ce petit garçon, il m'avait aussi indiqué avoir mentionné les initiales du nom du garçonnet sur le verso de la planche-contact. Là, il avait en effet écrit "P.B".
Alors y-a-t-il tromperie sur la personne, une sorte d'usurpation d'identité ?
Et qui est le vrai petit parisien à la baguette ?
Le journal Le Monde a récemment mené l'enquête. Martin Fort, journaliste au Monde, a donc rencontré et interviewé les deux personnes -aujourd'hui septuagénaires- qui disent avoir été photographié par Willy Ronis, en 1952, avec une baguette sous le bras : le varois Jean Brosseron et le dijonnais Pierre Bariod.
Mais après lecture de l'article du Monde, je constate que sa conclusion ne donne pas de réponse à cette question : "Lequel de ces deux personnes est le garçonnet de la photo de Willy Ronis ?". Martin Fort laisse ses lecteurs dans l'incertitude, dans le doute.
Pour moi il n'y a pas de doute : le dijonnais Pierre Bariod (initiales P.B) est le gamin à la baguette. Willy Ronis l'ayant lui-même confirmé à plusieurs reprises.
A l'examen des photos des albums de famille des deux protagonistes, publiées par le journal Le Monde [montrant des clichés pris en 1950 (pour Jean Brosseron) et en1952 (pour Pierre Bariod)] la ressemblance du gamin va incontestablement vers Pierre Bariod. (Voir l'illustration en tête de ce billet).
Et aujourd'hui, ce sont les réseaux sociaux qui s'emparent du sujet. C'est le réseau Reedit qui donne le verdict le plus net : 90% des contributeurs "votent" pour Pierre Bariod (P.B). Certains sont même allés jusqu'à analyser en profondeur ces photos via des logiciels de reconnaissance faciale et corporelle et ils donnent leur conclusion :
"L'ensemble des épaules/cou et de la forme du torse est identique à la photo d'enfance de Bariod. Ajoutez la coupe de cheveux rugueuse, les pommettes de joue et le sourire et je ne pense pas qu'il y ait le moindre doute. Malheureusement pour Brosseron, le petit Parisien ne ressemble en rien à ses photos d'enfance, le petit parisien de Ronis : c'est clairement Bariod."
Quant à Jean Brosseron, le varois, il est sans doute de bonne foi. Lorsqu'il était enfant il a vraisemblablement été photographié par quelqu'un sur le boulevard Haussmann, près du lieu où il résidait, mais la personne qui l'a pris en photo n'était pas Willy Ronis. Et si la scène de sa photo aurait pu ressembler au "Petit parisien", ce n'était pas cette photo.
Alors récemment -moi aussi- je suis retourné rue Péclet (un physicien, fondateur de l'École Centrale des Arts et Manufactures). Le n°2-2 bis, mentionné par Willy Ronis, est devenu le n°2-4 de la rue Péclet et la boulangerie a été remplacé par l’enseigne NICE DAY une société de Production de films et de programmes pour la télévision.
Mais le mur qui a servi d'arrière-plan pour la photo de Ronis est toujours là, intact. Seul le petit regard de gaz qui apparaissait sur le cliché complet de Ronis a été retiré. (Voir l'illustration à la fin de ce billet).
Les temps changent, la mémoire s'efface…mais rue Péclet, finalement pas tant que cela !
>> Le débat sur le réseau social Reedit.
>> Le petit parisien, déjà sur Parisperdu.
>> Rue Péclet, le mur qui a servi d'arrière-plan pour la photo de Ronis est toujours là:
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