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Au 35 de la rue de Tourtille, dans l'épicerie-buvette de Françoise Lajoy (dit-Fanfan), on se croirait encore en province dans les années cinquante.
Au mur, ce sont, pêle-mêle, des bouteilles, des boîtes de conserve, des paquets de sucre ou de biscuits, ... Quelques frusques d'un autre âge sont suspendues dans un coin. Au fond, il y a une seule table avec des chaises de cuisine et surtout ce comptoir qui a vu défiler tant d'habitués ... depuis des décennies.
Fanfan joue ici, dans le bas-Belleville, un rôle social très important : elle vous dépanne le soir lorsqu'il vous manque quoique ce soit en cuisine et toute la journée elle écoute, console ou conseille les gens du coin venus au comptoir lui conter leurs difficultés... Elle pourra même vous garder le courrier, vos clés, voire vos enfants ... tant sa générosité est sans borne.
D'un tempérament d'une grande gaité, elle a toutefois les larmes aux yeux, lorsqu'elle évoque toutes ces années passées, ici, depuis que sa mère a ouvert l'épicerie dans ce local acheté par sa grand-mère en 1932 et qu'elle a reprise après son CAP...
Car maintenant, dehors, la restructuration du quartier a commencé, et dans la rue où tous les autres commerces ont déjà fermé, l'ambiance n'est pas gaie. Une grande partie des habitants a déjà quitté le quartier ... les plus âgés sont morts. Qu'est devenu Jeannot qui, avec son accordéon, faisait danser les gens sur le trottoir les soirs de 14 juillet ?
Mais Fanfan se résigne mal à un avenir ailleurs. Aussi, elle fait de la résistance et ses amis sont solidaires : leur dernière pétition (Collectif "Y'a D'la Joie") a recueilli des milliers de signatures pour essayer d'obtenir un dernier sursis à cet ultime bistrot de quartier menacé de disparition.
Pourtant, Fanfan devra fatalement, tôt ou tard, laisser la place à l'agrandissement de l'école maternelle mitoyenne ... qu'elle a fréquentée, petite. C'est un crève-cœur, mais elle se résout à accepter la situation car "si c'est pour les gosses alors ça va ..., dit-elle, ... au moins je ne pars pas à cause d'un promoteur".
Finalement l'épicerie-buvette sera rasée, l'école maternelle agrandie et Fanfan quittera sa chère rue de Tourtille. Des opportunistes lui rachèteront "son nom, sa marque", et une nouvelle enseigne "Fanfan Lajoy" ouvrira tout près d'ici, rue Jouye-Rouve. Mais il s'agit d'un café-galerie de la "néo-branchitude". Rien à voir donc avec l'épicerie-buvette authentique de Fanfan qui pourtant, elle aussi faisait galerie - à son corps défendant toutefois.
En effet, n'y avait-il pas au fond du bistrot, parmi les boîtes de conserves, une photographie originale d'Izis ?
Comment un tirage de ce grand photographe avait-il pu atterrir ici ?
Fanfan était plus que discrète sur le sujet ...
>> La photo d'Izis chez Fanfan (« Dans une cour, Paris 1948 ») :
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