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Pont de la Tournelle  © Copyright Willy Ronis/Agence Rapho (1999)

La photo date de 1999, soit deux ans avant que le grand photographe ne range définitivement ses appareils. Mais, quand on sait que dès le début de l'an 2000, Ronis ayant perdu beaucoup de sa mobilité ne sortait plus faire de clichés en extérieur et se consacrait exclusivement aux nus et aux prises de vues en intérieur, alors on comprend que cette image est l'une des dernières prises par Willy Ronis dans les rues de Paris.

Ce jour là, Ronis se balade sur les quais, du côté du pont de la Tournelle, son Pentax à la main. C'est un endroit qui lui a autrefois porté chance, il suffit pour cela de se souvenir de "La péniche aux enfants", un cliché pris quarante ans plus tôt, au Pont d’Arcole, tout près d'ici… et comme l'assassin retourne toujours sur le lieu de "son crime" … Ronis traîne à nouveau par-là!

Comme à son habitude, il a défini son cadre et attend que des personnages viennent se placer dans l'image, aux endroits qu'il a préalablement choisis. L'exercice demande beaucoup de patience et un grand savoir-faire pour appuyer sur le déclic au dixième de seconde juste … un dixième trop tôt ce n'est pas la même image, un dixième trop tard ce n'est pas bon non plus.

Maintenant, il suffit de connaître un peu Ronis et aussi ses "images cultes" pour comprendre pourquoi il a fait celle-ci.

Tout d'abord, il y a cet homme en position quasi centrale, avec un chapeau et un manteau d'un autre âge … bref une tenue qui pourrait faire penser au commissaire Maigret, par exemple. Le regard de Willy a certainement été attiré en premier lieu par ce personnage.

Il parle à une femme, sans doute une bouquiniste comme semble en témoigner la chaise pliante située près d'elle. Elle aussi porte une tenue certes peu commune mais qui dialogue bien avec celle de l'homme au manteau.

Sur la partie gauche de l'image, soulignée par le pavement régulier du trottoir, l'époque de la photo nous est clairement indiquée par le jeune homme au blouson et au casque audio vissé sur la tête. Il forme la pointe d'un triangle dont les deux angles de la base sont occupés par deux femmes en tenues aux valeurs opposées: claire et sombre.


Les autres personnages, à droite, ne parasitent pas l'image car ils sont groupés et de dos, aussi se fondent-ils parfaitement dans des éléments au graphisme vertical: les grilles de protection des arbres et le treillis de la façade de l'Institut du Monde Arabe, en arrière-plan. 

Ronis arrive ainsi à nous montrer la ville, non pas telle qu'elle est : bruissante de passants, bourdonnante de voitures, zébrée de panneaux indicateurs ou publicitaires … mais telle qu'il a toujours aimé la voir : avec des personnages sur les points ou les lignes de force de son cadre, avec peu ou pas d'automobiles ou de mobilier urbain…

L'alignement, à cet endroit, des bouquinistes est plus suggéré que réellement montré, les panneaux indicateurs sont sagement ordonnés sur un même plan … et pour apporter une touche de poésie: deux pigeons sont sur le trottoir … Loi du triangle oblige, je suis à peu près sûr que Ronis devait en avoir un troisième dans son cadre quelques secondes avant qu'il ne déclenche !

Merci pour la leçon Willy, … les photographes de rues apprécieront !

 

>> Willy Ronis: "La péniche aux enfants".

 


Tag(s) : #willy ronis
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