
" Avenue Simon Bolivar et rue Lauzin". © Willy Ronis -1950.
Je suis retourné sur la butte Bergeyre et, au bout de la rue Georges Lardennois, j’ai retrouvé l’escalier que je cherchais. L’escalier immortalisé par Willy Ronis dans son célèbre cliché : "Avenue Simon Bolivar et rue Lauzin".
Pour rallier cet endroit, je préfère toujours arriver par la butte Bergeyre plutôt que par l’avenue Bolivar, bruyante, brouillonne et trop animée, alors que le calme règne dans les petites rues, sur les hauteurs de la butte.
Willy nous décrit les instants qui ont précédé son déclic, en quelque sorte, l’histoire de cette photo :
« Cette photo, je l’ai faite en 1950. J’étais là, dans cet escalier, j’attendais quelque chose, parce que je voulais qu’il y ait un peu de monde qui passe. À un moment donné, j’entends une voix de femme derrière moi, qui parlait à son enfant, qu’elle tenait dans ses bras. J’ai attendu qu’elle me dépasse, et miracle, miracle qui arrive quelquefois dans la photographie : quand elle est arrivée en bas, est passé cet attelage étonnant - car même en 1950 il n’y avait plus tellement d’attelages avec des chevaux. Et ce qui est amusant, c’est qu’il y a en même temps cet ouvrier municipal, qui est en train de réparer ses feux tricolores, et des femmes qui promènent leurs enfants dans des poussettes derrière. Et puis le petit cordonnier qui parle avec le client. Et le petit chat noir, en bas de l’escalier. C’est une photo pleine d’histoires ! »
Mais nous ne sommes plus en 1950 et n’est pas Willy Ronis qui veut … car aujourd’hui, si l’escalier est toujours là, son environnement a bien changé.
Inutile, bien sûr, d'attendre l’attelage avec les chevaux, ni même de rechercher en l’arrière-plan les maisons de la rue Lauzin, voire de petits commerçants qui discuteraient sur leurs pas de porte … tout cela n’est plus de ce monde !
Car sur l’avenue Bolivar, règne maintenant l'automobile : une incessante circulation, une cohorte de voitures en stationnement, et partout des panneaux de signalisation ou de publicité, … tout cela crée une grande anarchie visuelle, un parasitage peu propice à l’harmonie du cadrage photo …
Alors le photographe d’aujourd’hui est tout naturellement tenté de remonter plus haut dans l’escalier pour trouver un peu plus de quiétude. Mais là, il aura inévitablement dans le champ de son objectif l'immeuble qui surplombe le passage et en barre la vue … Vouloir se positionner plus haut que Willy Ronis est définitivement impossible !
Qu’à cela ne tienne, on a quand même dans le viseur l’échappée de l’escalier vers l’avenue et l’on peut – tout comme Willy – "attendre quelque chose" … Mais aujourd'hui, dans le champ, il ne se passera pas grand chose : quelques piétons bien trop ordinaires et surtout beaucoup, beaucoup trop de voitures …
Décidément, n’est pas Willy Ronis qui veut … !
>> Avenue Simon Bolivar et escalier de la rue Georges Lardennois (Essai 1 - 1999)
>> Avenue Simon Bolivar et escalier de la rue Georges Lardennois (Essai 2- 2009)