• Cryptogrammes à Jussieu.



    En arrivant à l’entrée principale de la Faculté des Sciences de Jussieu, par l’esplanade donnant sur la rue Linné, et après avoir gravi quelques marches, on aperçoit instantanément la tour centrale avec au premier plan, deux tours annexes identiques qui ferment
    la perspective.

    Ces deux blocs offrent chacun une face où l’on peut, ou plus exactement où l’on ne peut plus, lire des inscriptions datant des années soixante-dix, et dont le texte était bien dans le droit fil des apostrophes militantes qui fleurissaient un peu partout, sur les murs de la capitale au temps de la "chienlit" du Général.

    Pour tracer ces inscriptions, les intervenants ont forcément dû utiliser des cordes pour descendre en "rappel". Le lendemain même, le comité directeur de Jussieu décide de recouvrir les graffitis en repeignant intégralement les deux façades en blanc. Le plus surprenant intervient alors: les inscriptions réapparaissent le jour suivant ! Les instances dirigeantes se rendent à l’évidence, mais il n’est plus question d’offrir une nouvelle page blanche à la morgue estudiantine. L’espace est tentant, vous en conviendrez. Que faire alors, sinon travestir, détourner, maquiller le cri … pour le rendre inaudible ?

    Aujourd'hui, le décryptage du message représente une véritable gageure.
    Prenons, par exemple, le libellé du somment de la face droite:

    QW

    A/88IAI88WB

    AA/RABES

    BM HMW

    REOT8

    OPVH89

    Ligne suivante nous trouvons une variante de la deuxième ligne avec:
    W88W88HMFI

    Reprenons la ligne 1. Le QW ne peut être (excusez le côté péremptoire de mes déductions) qu’un ON. La ligne suivante me semble lisible grâce aux quatre 8 qu’on identifie immédiatement comme des S. Les A sont terriblement mal maquillés, on en isole deux, dont un au début, on obtient donc ASSASSINE. Sous le RABES de la ligne trois, nous isolons le mot PARIS. La suite m’échappe…

    Alors, à cette époque-là, on assassinait à Paris. Qui ? Quand ? Pourquoi ? Le reste de la façade nous le révèle sans doute. Mais, là, je m’incline, et … j’appelle à l’aide.
    Alors, si vous savez décrypter la suite, merci d'en faire part à Parisperdu, à ce
    Contact.

    Reste toutefois un point intrigant: on sait que la durée moyenne de vie d’un tag, d’un bombage sauvage, est souvent très courte, surtout sur les monuments publics, car les services Techniques de la ville y remédient dare-dare à coups de détergents spéciaux.
    Alors pourquoi, à votre avis, ces inscriptions défient-elles le temps et maculent-elles à jamais les colonnes métaphoriques de ce portique universitaire par ailleurs élégamment habillé des céramiques de Léon Gischia?
    Parce que … personne n’est plus capable de savoir ce qu’elles signifient. Et parce que tout le monde "s’en fout un peu", si je peux me permettre. Elles ont perdu la totalité de leur sens (Assassine-t-on à Paris !?!), pour acquérir, depuis bientôt un bon quart de siècle, une autre fonction, celle bien sûr plus décorative et bien moins problématique, d’œuvre d’art.

    Œuvre d’art tendance conceptuelle, évidemment, voire arte povera, diront certains.
    A l’instar du codex de Dresde, du calendrier Maya, voire du testament de Nicolas de Staël … l'énigme fera toujours rêver.



    >> De chaque coté de la Tour Zamansky, que l'on voit ici, après les travaux de désamiantage et sa rénovation en février 2009, on peut découvrir les deux tours annexes aux fameux "messages cryptés".


    >> Zoom sur le message de la tour de droite.


    >> Jussieu : le campus nouveau est arrivé.

     

     

    « Un jeune homme ...de presque cent ans !Qui êtes-vous Monsieur Morris ? »

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  • Commentaires

    10
    Liberty
    Mercredi 1er Février 2017 à 22:57

    ON ASSASSINE A PARIS EN UN AN PLUS DE 150 ASSASSINATS RACISTES HALTE AUX CRIMES RACISTES ET FASCISTES POUR BRISER LE SILENCE TOUS DANS LA RUE 25/2 METRO CHARONNE 18h30

    http://cdelagenardiere.blogspot.nl/2015/03/1962-1968-1972-2014-histoire-du.html

    Aujourd'hui on efface les mémoires qui dérangent....

      • Christian Colas
        Jeudi 1er Juin 2023 à 14:36
        Bonjour, Bravo et merci pour le décryptage du texte de Jussieu maintenant, hélas, effacé, depuis de nombreuses années (2014 ?). La question que je me pose aujourd'hui est la véracité de l'affirmation des 150 assassinats racistes qui auraient eu lieu en un an en 71 ou en 72 à Paris. Il y eut les centaines de morts du 17 octobre 1961, et puis en les nombreuses victimes de "ratonnades" à Marseille en 1973 à la suite de l'assassinat d'un conducteur de bus par un déséquilibré dans cette ville où l'OAS avait encore une implantation. Mais à Paris ?
    9
    sainsaulieu
    Mercredi 18 Juillet 2012 à 09:55
    jussieu
    J'ai le texte décrypté de jussieu. Je souhaite entrer en contact avec quelqu'un qui travaille sur tous les écrits dans les rues. Connaissez-vous ? Bien à vous G.Sainsaulieu
    8
    Gérard Sainsaulieu
    Lundi 26 Mars 2012 à 08:59
    Jussieu
    Où en êtes vous du décriptage du graphiti de la façade de Jussieu. J'ai un peu progressé et vous ?
    7
    Jeudi 28 Avril 2011 à 17:11
    Cryptogrammes à Jussieu
    Bonjour. Le billet date un peu, mon commentaire arrive donc bien tard. J'ai trouvé ce blog au moment où j'imaginais faire un billet de même sujet sur mon site (je m'intéresse à la "typo" des rues). Billet que je ne ferai pas pour ne pas doublonner. Mais je puis apporter ici quelques menues informations. J'étais étudiant à Jussieu quand ce graffiti a été réalisé. C'était en 1972 pendant la grève des facs contre la réforme des universités. J'ai découvert le graffiti un matin (je ne me souviens hélas pas de son texte), bombé dans la nuit, j'ai vu le cryptage du texte, dans la journée, réalisé par un "bombeur" qui descendait en rappel du toit du bâtiment. Ce que l'on assassinait à Paris à cette période-là était donc l'Université, selon toute probabilité. Anecdote légèrement antérieure au sujet du même lieu. Avant la construction de la fac, le terrain était occupé par des bâtiments de stockage des pinardiers de Bercy qui trouvaient là une extension "rive gauche" de leurs activités. Ces bâtiments étaient clos d'un mur sur lequel on a pu lire un moment, à la peinture blanche (je cite de mémoire, le début est peut-être faux mais la fin est juste) : "Il faut choisir : les litres ou l'élite." Voilà tout... Bien à vous, cls.
    6
    Christian Colas
    Lundi 6 Décembre 2010 à 18:07
    Cryptogrammes Jussieu (2)
    Bonjour, J'ai fait connaissance avec parisperdu à l'occasion de mes recherches à propos des inscriptions visibles, pour peu de tps encore, sur les pan-coupés de l'entrée de Jussieu (celles de gauche ont déjà été retirées). Bravo pour votre site ! Quand à moi, je m'intéresse aux graffiti anciens que je "raconte" ds Paris Graffiti (ed. Parigramme) paru en sept. 2010. A leur manière, ils témoignent aussi d'un Paris perdu... Pour ce qui concerne ceux de Jussieu, il ne peuvent être antérieurs au début des années 1970, date de l'érection des bâtiments sur lesquels ils se trouvent. Nous sommes alors en pleine époque "gauchiste", les maos avec la GP (et son groupe para-militaire, la Nvlle Résistance Populaire) et Révolution ! tiennnent le haut du pavé. Ds sa volonté de reprendre la geste ouvrière là où, selon elle, le PC l'a laissée, il n'est ps impossible que l'inscription défigurée soit de la GP et appelle à une manif pour commémorer les morts (communistes) de Charonne. Je prépare (déjà) une nouvelle édition revue et augmentée où ces inscriptions, rares vestiges au Quartier Latin des années post-68, auront leur place. Bien cordialement. Christian Colas.
    5
    Christian Colas
    Vendredi 3 Décembre 2010 à 21:05
    Cryptogrammes Jussieu
    Bonjour, Je m'intéresse de près aux graffiti anciens à Paris (Moyen-âge et même avant, si possible, jusqu'au XXe siècle). J'en ai même fait un livre : Paris Graffiti, ed. Parigramme. Hélas, je n'y ps joint ceux de l'entrée de Jussieu. Ce n'ai qu'après que j'ai songé qu'il ne sagissait ps d'oeuvres d'art mais de graffiti rendus illisibles. Les seuls datant des années immédiatement post-68 encore existants ! On m'a mis sur la piste de ce blog. J'aimerai avancer ds le décryptage. Un peu plus bas, je crois qu'on peut lire assez distinctement : METRO CHARONNE. Qu'en pensez-vous. Paris le 3 décembre 2010; christianp.colas@laposte.net
    4
    Geoffroy
    Lundi 1er Mars 2010 à 11:19
    Jussieu
    Répression sanglante d'un manifestation des arabes parisiens qui protestaient contre un couvre feu les visant (et eux seulement !!!) et qui était ordonné par la préfecture, une triste réalité parisienne du temps où le préfet était un certain Papon. C'est le sujet d'un livre d'ailleurs "meurtre pour mémoire" de Didier Daeninckx. Une période qui aujourd'hui reste une zone d'ombre de notre histoire et qui préfigure la guerre d'Algérie Ce graffiti que j'ai vu sous mes yeux durant mes longues années de fac représentait pour moi un extraordinaire "lieu" de mémoire, et me voilà bien triste d'apprendre qu'il est effacé... cet acte est tout un symbole que donne peut-être sans le vouloir la présidence de l'université. Je suis d'autant plus attristé que je savais que ça allait arriver et que je ne l'ai jamais pris en photo dans le but le montrer un jour à mes petits enfants... Là tu pourrais m'aider : aurais tu la gentillesse de m'offrir l'une de tes photos sur laquelle les deux colonnes apparaissent clairement? J'en serais très heureux et je pourrais ainsi me pencher sur ce problème de cryptographie afin de le décrypter intégralement, chose que j'ai toujours voulue faire par ailleurs. Amicalement
    3
    Määsk
    Vendredi 4 Décembre 2009 à 09:21
    Jussieu
    Billet très intéressant. Très intriguant. Ne parlait-il pas par hasard des "Arabes" (et pas "rabes") jetés dans la Seine, roués de coup par rapport à la guerre d'Algérie ? Ou un cri contre les "ratonnades" ?
    2
    Jérémy
    Jeudi 26 Novembre 2009 à 11:59
    Décryptage
    Je vais regarder dans mes archives, peu-être ai-je la réponse ! @+
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