• Quelques heures avec Willy Ronis.

    Willy Ronis dans son appartement de la rue de Lagny, Paris 20ème (Février 2008)

     

    Nous sommes en février 2008 et c'est ma troisième rencontre avec Willy Ronis, chez lui rue de Lagny.

    Douze ans plus tôt, en 1995 donc, je l'avais rencontré pour la première fois à la FNAC Etoile, introduit par Régis Debray. Et, à la suite de cette première rencontre, il m'avait donné rendez-vous au Square Sarah Bernhardt, tout près de son domicile parisien.

    Puis je reprendrai contact avec Ronis fin 2007, un an après le lancement du blog Parisperdu pour lequel je sollicitais son avis. Et là, pour en parler, il me fait l'immense honneur de m'inviter chez lui, rue de Lagny.

    Pour cette troisième rencontre, je lui avais apporté de nouvelles photos de la rue de la Mare, un secteur qu'il avait beaucoup arpenté dans les années 55-60 et qu'il appréciait encore énormément.

    Une autre rencontre était programmée en novembre 2008 mais elle n'aura pas lieu car je n'ai jamais pu le recontacter à la suite du message qu'il avait laissé sur mon répondeur téléphonique.

    En juillet 2009, aux Rencontres photographiques d'Arles, dont il était l'invité d'honneur, j'ai seulement pu l'apercevoir brièvement sans toutefois pouvoir suffisamment l'approcher pour échanger quelques mots avec lui.
    Je pensais alors que ce n'était que partie remise et que nous allions nous revoir à Paris. Mais je n'avais pas saisi à quel point ce déplacement à Arles avait pu le fatiguer. Car à peine deux mois plus tard, le samedi 12 septembre 2009 Willy nous quitte, laissant orphelins tous les amoureux de la photographie humaniste (et pas seulement). Il avait 99 ans. Mon modeste hommage sera le billet "Au revoir et merci Monsieur Ronis" que je publie le lendemain de sa disparition.

    Les quelques heures que j'ai pu passer avec Willy Ronis m'ont appris beaucoup, sur l'homme d'abord dont je peux dire qu'il était un être merveilleux, ensuite sur Paris et les petites gens de la capitale dont il était une sorte d'expert et enfin sur la technique photographique qu'il m'a permis d'améliorer en me prodiguant quelques conseils. Un exemple parmi d'autres : "Attention, me disait-il, avant de déclencher vous devez vérifier que dans votre cadre il n'y a pas d'éléments qui vont parasiter votre image, car l'objectif lui, il avale tout".

    Les années qui suivront, et encore aujourd'hui, le vide qu'il me laisse est immense. C'est sans doute pour cela qu'en 2012 je suis retourné rue de Lagny pour essayer de voir si cela m'apporterait quelque apaisement. Puis en 2015, dans le même état d'esprit, j'entreprends une sorte de pèlerinage à Gordes et à L'Isle-sur-la-Sorgue, dans cette Provence où il vivra - en famille - de façon permanente entre 1972 et 1983.
    Vous l'avez compris je voue une admiration sans borne à ce grand bonhomme de la photo qui est dans mon panthéon photographique avec Boubat et Cartier-Bresson … Et, même si finalement je n'ai passé que quelques heures avec lui … que de richesses celles-ci m'ont apportée.

     


    >> Willy Ronis et parisperdu.

     


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  • La Gare d'Australie … ?

    Ce sont deux fillettes, elles montent "pile au buzzer" dans la rame du métro. L'une doit avoir 10-11 ans, l'autre semble être sa sœur cadette et n'a pas plus de 7 ans.
    La petite a le souci de l'orientation car immédiatement elle cherche à déchiffrer le plan de cette ligne n°10 qui s'affiche au-dessus des vitres de la voiture. Elle questionne alors sa sœur : "On va jusqu'à la Gare d'Australie ?" lance-t-elle.

    L'ainée instantanément pouffe de rire : "Gare d'Australie … n'importe-quoi" fait-elle dans un grand rire moqueur.
    La petite, un peu vexée regarde alors avec encore plus d'attention le plan et rectifie : "Ah oui, c'est la Gare d'Australitz !
    Cette fois l'ainée ne rira pas, elle se contentera d'un haussement d'épaule marquant un dépit certain. La candeur des jeunes enfants est parfois décourageante …

     

    >> Sur le quai de la gare d'Austerlitz, la naissance d'une idylle ...

    >> Massacre à Austerlitz.

     

     

     

     
     
     
     
     
     

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  • Les parisiens.

    Rue Montorgueil Paris 1er

     

    "Les parisiens n'ont jamais de leur ville le plaisir qu'en prennent les provinciaux.
    D'abord, pour eux, Paris se limite à la taille de leurs habitudes et de leurs curiosités.
    Un parisien réduit sa ville à quelques quartiers, il ignore tout ce qui est au-delà, et qui cesse d'être Paris pour lui.
    Puis il n'y a pas ce sentiment presque continu de se perdre qui est un grand charme. Cette sécurité de ne connaître personne, de ne pouvoir être rencontré par hasard".

    Extrait du roman "Aurélien" de Louis Aragon.


    >> "I love rien, I'm parisien"

    >> Tout le monde déteste les parisiens ...


     


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  • On l'a souvent comparé à Léon-Paul Fargue, sans doute à cause de son côté "piéton de Paris". Avec sa carcasse imposante, ses rouflaquettes grises, ses vêtements d'un autre âge, il s'est composé une silhouette presque légendaire.

    A partir de chez lui, rue Marcadet, Yves Martin n'en finit pas de sillonner la capitale. Rue des Martyrs, rue de Provence, le pont des Arts, le long des canaux, d'une porte à l'autre, il va partout et guette, selon les heures, le plus humble détail de la ville. Ses déambulations seront la source de ses meilleurs recueils: "Le Partisan", "Le Marcheur", "Manèges des mélancolies" …

    Dans un poème du "Marcheur" dédié à Eugène Dabit, peintre et auteur de "L'Hôtel du Nord", il nous livre l'un de ses tableaux parisiens de prédilection:

    "Au château tremblant, canal de l'Ourcq-Saint-Martin,
    Trépignaient les mariniers sous les drapeaux de frites.
    Les moules sautaient dans des cuves rouges
    Avec des clins d'œil bleus".

    Les "Manèges des mélancolies" sont pleins de cafés, de brasseries, de troquets et de bistrots. "Printemps 1966" renferme en un seul poème la "bougnate du Nord-Sud", les harengs de chez Lipp, des "volcans de choucroute", des "vins irascibles", et les ombres de Tinan et de Toulet, deux piliers de bar salués en passant ...

    Fondateur en 1959, avec le metteur en scène Bertrand Tavernier, du Nickel-Odéon, un très haut lieu de la cinéphilie, Martin se consacre à la  réhabilitation de films crépusculaires, comme "Les Passagers de la nuit", définissant du même coup sa propre esthétique: "L'inquiétude est sœur de la poésie."

    Paris reste pour lui un réservoir infini d'images et de sensations, le long des rues, à la terrasse des cafés, sur les écrans de l'après-midi, ce marcheur-voyeur regarde intensément les passantes.  "Le Marcheur" fourmille de rencontres amoureuses, vite évanouies dans ce Paris où tout semble possible …


    >> Le Partisan, suivi du Marcheur, par Yves Martin. Editions La Table ronde.

    >> Manèges des mélancolies. Poésies inédites (1960-1990). Editions La Table ronde.

     


     


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  • Elle a l'air d'une jeune fille à qui on donnerait le bon Dieu sans confession; cela tient sans doute à sa blondeur diaphane. Seules les sandales de saison corrigent cette impression de trop grande sagesse. Lui ressemble à ces hipsters qu'on a vu éclore ces derniers temps : lunettes à grosse monture noire, barbe fournie, sweat à capuche, bermuda en Jean et chaussures montantes. Ils appartiennent à deux mondes qui n'ont presque rien en commun, mais l'été, parfois, favorise les rencontres improbables. Car les gestes de tendresse parlent pour eux : ces deux-là sont "ensemble" comme on dit, quand on n'ose pas dire "amoureux".

    Ce qui frappe, c'est leur léger tremblement, comme s'ils se sentaient menacés. L'explication arrive au bout de quelques minutes: elle doit le quitter, elle a un train à prendre.

    Il voudrait la retenir. La kidnapper peut-être, dans un élan romantique. Lui proposer de ne pas se quitter, pas déjà; ils ont l'âge pour ce genre de "folie". Elle repousse tristement sa tentative : "Tu sais bien que ce n'est pas possible". Elle va rejoindre ses parents, elle n'a que 17 ans. On est très sérieux quand on a 17 ans.

    Alors il l'accompagne sur le quai pour l'étreindre une dernière fois. Ils échangent à l'oreille une promesse qu'on n'entend pas, mais qu'on devine. Et puis elle monte, il la salue d'un baiser depuis le quai. Le train part. Quelques secondes plus tard, un SMS arrive. Je ne peux pas lire par-dessus l'épaule du jeune homme, mais là encore on devine l'échange : "Tu me manques déjà". II répondra : "Toi aussi".

     

    >> Voir aussi sur Parisperdu : "La photo humaniste a-t-elle un avenir? "

     

     


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