• Photos:

    1. Bernard quitte définitivement son atelier.
    2.
    Rue des Partants, béance des terrains vagues et commerces fermés.
    3.
    L'Atelier de Bernard, luthier, 26 rue des Partants Paris 20ème(1996).

     

    Aujourd'hui, Bernard quitte son atelier, le cœur lourd.

    Ce soir est le dernier soir … c'est le "clap" de fin.

    Demain il reviendra, mais ce sera uniquement pour terminer le déménagement de son atelier. Et il n'y aura plus de luthier, rue des Partants.

     

    Bernard était "théoriquement" expulsé depuis déjà deux ans. Il savait bien que ce jour finirait par arriver … Il savait bien que le quartier était condamné, que son atelier allait être rasé, comme tout le côté pair de la rue Gasnier-Guy et de la rue des Partants.
    Aujourd'hui, ce jour est arrivé, et cela fait encore plus mal qu'il aurait pu le croire.

    Pourtant longtemps, avec ses voisins, il a lutté pour repousser l'échéance. Il a adhéré à plusieurs associations de défense : celle du quartier des Amandiers dans les années 70, celle de la rue des Mûriers dans les années 80, puis enfin celle de la rue des Partants dans les années 90 … Mais, au bout du compte tout cela a été vain, le résultat a toujours été le même : inéluctablement les bulldozers ont toujours eu raison des immeubles et … des associations de défense du quartier.

     

    Alors aujourd'hui, Bernard quitte sa rue des Partants, une rue au nom prédestiné …

    Et, il n'est  pas étonnant qu'il parte ainsi, le dos voûté, l'esprit songeur, morose, désabusé…

    Demain ou après-demain, tout sera détruit … son atelier, son travail, ses souvenirs, une grande partie de sa vie, … tout va disparaître en un instant.

     

     

     

    >> Autre lieu, autre luthier …

     

     

     


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  • Rue Caillé - Paris 18ème, septembre 1996

     

    Voici l'image d'un "homme qui attend". Certes … mais que fait-il exactement ?
    Ne fait-il tout simplement rien ou … au contraire, son attente n'est-elle pas une démarche, une quête vers quelque chose ou vers quelqu'un qui lui permettrait de s'échapper ailleurs, dans un autre monde, dans un autre univers ?

     
    À l’ère de la vitesse, des échanges en temps réel, de l'Internet ultra-haut débit, de la communication à tout-va, de la mobilité (terme récurrent du management postmoderne…), du "bougisme" ("si tu bouges pas, t'es mort !") … l’attente, la pause, la méditation prospective ou la suspension active … sont forcément des démarches subversives.
    Mais, Dieu merci, il nous reste encore le temps de la flânerie …

    Flâner, ce n’est pas simplement se promener, errer sans but, sans objectif, c’est plutôt produire en pure perte, pour le seul plaisir de produire, de se produire.
    Il y aurait encore à faire une théorie de la flânerie, même si elle a déjà été bien entamée. Souvenons-nous de l’école péripatéticienne, de Baudelaire, de Walter Benjamin, des "écrivains-voyageurs", des surréalistes, les vrais inventeurs de la dérive, puis de leurs fils spirituels, les situationnistes.

    Dans la rêverie gratuite, dans le temps perdu, nous sommes hors de toute raison ratiocinante, dans une dépense toujours génératrice d’ouverture, d'illumination ... Car, grâce à "l'apparition d’un lointain … si proche soit-il", comme l'écrivait Walter Benjamin, la flânerie stimule la pensée, puis l’écriture … et plus généralement la créativité.


    Oui flâner est un art …

     

     

    >> Du bon usage de la lenteur.

     

     

     


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  • C'est au parc de la Turlure, sur la butte Montmartre, que j'ai fait la connaissance de Christophe.

    Une fine silhouette, allongée sur un banc contre lequel un vélo était adossé, m'avait intrigué. Je dû attendre de longues minutes avant qu'il ne se relève. Alors, toute suite, nous avons engagé la conversation. Il faut dire que Christophe est du genre bavard et … il en a des choses à raconter …

    J'appris d'abord qu'il venait de grimper, en danseuse, la rue Lepic pour atteindre le sommet de la butte. Je compris mieux l'état de fatigue dans lequel il était. Mais ce n'est pas là son moindre exploit car, le goût du voyage, Christophe l'a depuis qu'il a 5 ans.
    Bambin aventureux, il profite de l'inattention de ses parents pour s'enfoncer dans un bois. On ne le retrouvera qu'à la nuit tombée … Vingt ans plus tard, il enfourche son vélo pour une chevauchée intrépide autour de la Méditerranée.

    Entre-temps, il se passionne pour les sciences, l'astronomie et l'histoire des religions. A la sortie de l'adolescence, il étudie le commerce international, atterrit dans une start-up parisienne au poste de responsable commercial, puis il décide finalement de tout plaquer pour une petite balade en vélo à travers les seize pays du pourtour méditerranéen.
    Il devient alors, comme il le dit lui-même, un "intermittent du cyclisme" … tout comme il y a des intermittents du spectacle !

     

    Croyez-vous qu'il va s'arrêter là ? Certainement pas, il recherche actuellement le sponsor qui devrait lui permettre d'attaquer, toujours à vélo, la transaméricaine. Une route qui le conduira d'Anchorage en Alaska à Ushuaia à l'extrême pointe de l'Argentine.

    Et précisément, sur ce banc, au chevet du Sacré Cœur, il vient de rêver qu'il avait enfin trouvé son sponsor et qu'il débutait son expédition …
    Sûr, il entrera tout à l'heure dans la basilique mettre un cierge pour que son rêve se réalise …



     


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  • 13  rue Robineau Paris 20ème – juin 1997

     

     

    L'arrivée a été discrète. Les jeunes squatters, quatre garçons et quatre filles, ont posé leurs bagages sans bruit, dans cet immeuble inoccupé de la rue Robineau.

     

    Puis, ils sont "sortis du bois", sans esbroufe ni tapage. Ils ont "toqué" aux portes des voisins pour se présenter. Les riverains absents ont eu droit à un petit mot dans leur boîte à lettres. "Si vous avez des interrogations, n'hésitez pas à venir nous en parler", précise la missive, invitant chacun "à un goûter festif " !

     

    Beaucoup de voisins ne se sont pas offusqués de la situation. "Franchement, il n'y a rien eu à redire", note une quadragénaire. Ils étaient hyper gentils et tout doux. Ils nous ont dit qu'ils étaient étudiants et qu'ils n'avaient pas de logement. Et aussi, qu'ils ne trouvaient pas normal qu'un tel immeuble reste vide et fermé". L'idée de ce squat, dit-elle, ne l'a "pas dérangée" car de toute façon, cet immeuble abandonné depuis près de cinq ans, semblait voué à la démolition.

     

    Puis les jeunes ont cherché les coordonnées du propriétaire pour discuter avec lui et l'informer de leur présence. L'initiative était originale, quelque peu utopique sans doute. On peut aussi comprendre l'inquiétude du propriétaire...  Alerté par un proche, le "maître des lieux" a effectivement vu rouge. La police a été dépêchée sur place.

     

    Entre-temps, les squatters avaient appelé des amis pour faire nombre. "Là, ça a commencé à choquer certains voisins", note-t-on dans la rue. Les policiers sont intervenus tôt le matin, dès potron-minet. Onze jeunes ont été placés en garde à vue, soupçonnés d'avoir causé des dégradations pour entrer dans l'immeuble. Ils ont tous été remis en liberté dans l'après-midi, après qu'un simple rappel à la loi leur ait été notifié; car la police, sans jugement, ne peut les forcer à quitter les lieux. Seul un juge civil peut prononcer une ordonnance d'expulsion, et c'est seulement alors que les policiers peuvent procéder à l'évacuation de l'immeuble.

     

    Mais ce séjour au poste n'a pas brisé leur rêve : ces squatters revendiquent le droit d'occuper un immeuble vide. Et, sitôt sortis du commissariat, les squatters ont repris leur quartier au 13 rue Robineau. Ils disent n'être "ni militants du DAL (Droit au logement), ni anarchistes" et ne revendiquent aucune appartenance à aucun parti.
    "On a besoin d'un logement, c'est tout. Quand on est jeune, les cautions, l'argent pour le loyer, tout ça … n'est pas toujours possible".
    Les voilà sans doute installés là pour quelques temps …

     


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  • En hommage à Willy Ronis

     

     

    Fabien rentre de l'école, il dévale "quatre à quatre" l'escalier de la rue de l'Equerre. Aujourd'hui, il est très en retard …

    L'école de Fabien est située en haut de la rue Clavel, son entrée jouxte un bâtiment montrant une mosaïque où l'on lit : "PEIGNES A.MERMET". Il s'est toujours demandé ce que cela voulait bien dire ? Mais Fabien n'a jamais osé en demander la signification à sa maîtresse d'école.

    Pourtant elle lui aurait certainement répondu, qu'il s'agissait d'un vestige de la fabrique artisanale des "Peignes Mermet". Cette  superbe fresque reste, en effet, le seul témoignage de l'ancienne activité industrielle du quartier.

    Lorsque Fabien sort de l'école, il rentre habituellement par le square Bolivar. Un élégant square triangulaire, calme, isolé, un peu hors du monde dans ce coin retiré du 19ème … Puis il prend les escaliers de la rue de l'Equerre, un parcours que ses parents lui demandent de respecter strictement …

    Mais parfois, la tentation est trop forte et, au lieu de descendre le Square Bolivar, Fabien remonte jusqu'à la rue Fessart pour atteindre le parc des buttes Chaumont. Là, il y retrouve ses copains pour jouer au foot …

    Et justement, c'est ce détour qu'il a fait aujourd'hui …
    Fabien sait qu'il va sans doute se faire réprimander par sa mère qui déjà doit l'attendre avec impatience …



    >> Voir aussi sur Parisperdu : "Garage de l'Equerre".

    >> Voir aussi sur Parisperdu : "Square Bolivar".

    >> La mosaïque des "PEIGNES MERMET".

     

     

     

     

     

     

     

     


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