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Celles, le village sauvé des eaux ...
Dans ses billets intitulés "Démolition des murs ... démolition des vies", Parisperdu a montré comment la volonté de certains avait eu raison de quartiers entiers de Paris.
Parfois cette "rage de destruction" n'est pas le fait des hommes mais celui d'un tragique destin qui s'acharne sur certains lieux de vie, comme à Perillos , un village des Corbières que vous avez pu découvrir récemment sur Parisperdu.
Dans d'autres cas, comme à Celles, un village au cœur d'un paysage remarquable associant la terre rougeâtre et les eaux bleues d'un lac ... le village a été ruiné et dévitalisé au terme d'une longue épopée ...
Dans les années 50, le village de Celles (Hérault) compte 80 habitants, pour la plupart viticulteurs. Ici, en 1959, la crise viticole amène les pouvoirs publics à envisager la reconversion du vignoble en verger, ce qui nécessite la création d'une réserve d'eau pour l'irrigation. Les études s'orientent vers l'édification d'un barrage sur le ruisseau du Salagou dont les crues sont souvent spectaculaires.
Pendant dix ans, jusqu'en 1968, se succèdent alors rachats et expropriations des propriétés concernées par la mise en eau de la vallée, prévue en deux temps : tout d'abord à la cote (altitude) 139 puis à la cote 150. Le village de Celles (altitude 143 mètres) est donc condamné à être englouti lors de la seconde étape de la réalisation de la retenue.
Mais, bien qu'indemnisés, les habitants restent pour la plupart attachés à leurs terres et à leur village.
Le département de l'Hérault devient donc, suite aux expropriations, propriétaire de la quasi-totalité du village, hors les bâtiments communaux (mairie, ancienne école, église, logement du curé et de l'institutrice) qui sont juridiquement non-expropriables.
La mise en eau du barrage a lieu en Octobre 1969. Les anciens propriétaires quittent alors le village devant la montée des eaux, mais le statut de commune perdure.
Dès 1970, on assiste au pillage des maisons par ceux qu'on dénommera "les bricoleurs du dimanche". Puis c'est une communauté hippie qui s'installe à Celles; elle y restera 3 ans.
En 1980, Joseph Envenido, surnommé "Bichette", occupe les locaux municipaux d'où - sans eau, ni électricité, ni téléphone - il assure le gardiennage du village. Les vols deviennent moins intensifs mais les maisons déjà dépouillées de leurs tuiles, fenêtres, carrelages ... se délabrent rapidement.
Entre 1985 et 1989, on assiste à la réhabilitation du secrétariat de mairie, de l'église puis à l'aménagement de deux appartements dans des bâtiments communaux. On procède également à leurs raccordements électrique et téléphonique.
En 1990, suite la décision du Conseil d'Etat en faveur du maintient du statut de commune, le conseil municipal de Celles, espérant faire "bouger" le département pour revitaliser le village, met en demeure le conseil général, propriétaire des ruines, de les sécuriser au titre de la sécurité publique. Le résultat escompté- la remise en état des maisons - débouche en fait sur une action de cristallisation du village avec le bétonnage des crêtes, des murs et la pose de grillages autour des maisons, rendant l'ensemble encore plus sinistre qu'auparavant ...
Aussi, lorsque vous parcourez le village vous pensez invariablement ... à Oradour-sur-Glane, ... à un village martyr, victime de la folie humaine !
En février 1996, c'est le coup de théâtre, le conseil Général de l'Hérault fixe la "cote maximale définitive" des eaux du lac à 139 mètres, libérant ainsi officiellement le village de Celles de la menace de submersion entretenue depuis 30 ans.
Depuis lors, la municipalité de Celles ne cesse de batailler pour briser les barrières et les rigidités administratives, pour résoudre les nombreuses difficultés techniques, juridiques et financières et pour finalement faire aboutir la réhabilitation du village.
Le dur parcours de cette petite commune en ruines se poursuit donc ... sans savoir encore si un jour le village, qui finalement fut "sauvé des eaux", pourra revivre normalement ?
>> Celles, un village au cœur d'un paysage remarquable.
>> Mesnager, un grand de l'art urbain : de Paris à Celles, le même combat.
Tags : photo, regard, ecologie, art-urbain street-art, catalunya
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Commentaires
2BrunoVendredi 9 Novembre 2007 à 13:06Ironie
L'ironie de l'histoire est que ce village n'aurait jamais dû être évacué:la cote 139 ne noyait pas le village et cela était connu depuis le départ; reste une question lanscinante : pourquoi?1JéromeMardi 6 Novembre 2007 à 17:52
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Merci de m'avoir mis le lien permettant de lire cette note très complète, racontant l'histoire malheureuse de ce village. Je n'habite la région que depuis 1975 et je ne connaissais pas toute cette histoire. BON APPETIT.