• Le mirage de la rue Myrha

    Le mirage de la rue Myrha

    Rue Myrha, Paris 18ème  (2016)

    Dans le quartier de la Goutte d'Or, la rue Myrha reste associée au crack, à la pauvreté et aux prières de rue. Au premier coup d'œil, la rue Myrha ressemble à toutes les artères de la Goutte d'Or : c'est un patchwork de merceries, d'épiceries exotiques et de taxiphone, ces boutiques où l'on peut téléphoner et envoyer de l'argent à l'étranger pour quelques euros. Il y a aussi constamment dans la rue des vendeurs à la sauvette qui alpaguent les passants pour leur proposer des cigarettes de contrebande. Pire, dans l'immeuble vétuste du numéro 4, en septembre 2015, un incendie se déclare et fait périr huit personnes, dont deux jeunes enfants.

    Mais au-delà de ce drame et des désordres qu'elle vit, au-delà des fantasmes qu'elle suscite, la rue Myrha connaît depuis quelques années une certaine gentrification. Ce quartier populaire séduit en effet de plus en plus de jeunes cadres en quête d'exotisme ou de "soi-disant" authenticité. Aussi depuis deux à trois ans, de nouveaux commerces s'ouvrent pour cette nouvelle population : cantine bio et végan, libraire/café/galerie et diverses boutiques qui proposent des produits "qu'on n'a pas déjà vus partout sur Instagram", car désormais : "Populaire is the new chic !" …

    Au numéro 32 de la rue, un tout récent bâtiment de verre et de béton, s'est installé sur un ancien terrain vague, c'est le "360 Factory" un lieu bruyant combinant restaurant, studio d'enregistrement et salle de concert.

    Mais ici comme un peu partout dans le Nord-Est parisien, une fois les immeubles haussmanniens rasés et remplacés par des gros blocs de béton, on s'est rendu compte que ces bâtiments, en plus de défigurer les quartiers, étaient beaucoup plus difficiles à gérer. Car cet habitat massif, très fermé devient une aubaine pour les dealers et les délinquants qui veulent se rendre invisibles aux yeux des forces de l'ordre.
    Rénover un bâtiment ou un quartier ne règle donc pas les problèmes du crack ou de la délinquance, cela ne fait que les déplacer. Ainsi, à quelques mètres de la rue Myrha, rue Panama par exemple, c'est toujours l'enfer.

    Alors, la réhabilitation de la rue Myrha ne serait-elle qu'un mirage ? Bien sûr, cette voie est plus agréable qu'il y a vingt ans. Mais on ne peut juger de l'évolution d'une rue séparément de celles qui l'entourent : Myrha n'est pas le symbole d'un quartier qui s'améliore, mais d'un quartier où l'on se donne beaucoup de mal pour camoufler les problèmes plutôt que de les régler.


    >> A lire : "Rue Jean-Pierre Timbaud : une vie de famille entre barbus et bobos" de Géraldine Smith.

     

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