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Le Paris en couleurs de Willy Ronis.
Légendé : Pont Royal, Paris, 1955 © Willy Ronis ; mais il s'agit plutôt du Pont du Carrousel.
La découverte des photographies en couleurs de Willy Ronis sera à coup sûr une surprise pour beaucoup. Elle le fût également pour moi. Mais alors que je suis un "fan" inconditionnel de Willy et de ses magnifiques images en noir et blanc, je dois dire que j'ai été déçu en feuilletant son ouvrage " Paris-couleurs".
Et je voudrais dire pourquoi.Chez Ronis le charme du noir et blanc rend paradoxalement ses images intemporelles, elles font rarement datées alors qu'à l'opposé ses photos en couleurs font souvent très datées.
Il y a une explication toute simple à cela et c'est Willy lui-même qui nous la donne : "Fin 1954, j’avais commencé avec mon Rolleiflex… des essais avec la pellicule Kodachrome, cette merveille qui malheureusement n’affichait alors qu’une sensibilité de 10 Asa".
Ronis a donc photographié en couleurs dès 1955, dès l’apparition du Kodachrome, un film diapositive à la chromie si particulière, et surtout si peu sensible à la lumière.
La faible sensibilité du film entraine pour Ronis des contraintes lors de la prise de vue, par exemple : il doit attendre le feu rouge pour immobiliser les automobiles sur la pellicule ; les piétons doivent prioritairement être pris de face car de profil leur image sera floue s'ils marchent trop vite…
Toutes ces contraintes sont à l'extrême opposée de la spontanéité de son regard, de sa formidable capacité à saisir un sujet sur le vif. De surcroît dès que la lumière du jour est faible, l'image issue de la pellicule Kodachrome devient brumeuse et c'est cela qui la rend très datée.
A la même époque ses photos en noir et blanc sont bien plus lumineuses, mieux contrastées… Bref le Kodachrome 10 Asa est techniquement très limité et le talent de Ronis a du mal à s'exprimer avec cette pellicule couleur. D'ailleurs plus tard il dira à propos de sa célèbre photo en noir et blanc "Au repos de la montagne", lorsque je lui demande s'il se souvient de la couleur de la façade de ce bistrot : "Non je ne m'en souviens pas car à l'époque ma vision était exclusivement en noir et blanc".Plus tard, dans les années 80, Ronis reviendra à la couleur avec des films devenus plus sensibles mais il s'en sert surtout pour des reportages commandés, en couleur, par des agences liées à l'Aménagement du territoire et à d'autres organismes… mais jamais pour des photos de rues prises sur le vif. Peut-être avait-il gardé un souvenir mitigé des rues de Paris photographiées, dans les années 54-55, avec la très limitée Kodachrome 10 Asa.
C'est un lieu commun que de dire que l'on ne peut plus regarder la télé en noir et blanc quand on l'a vu en couleur ! Pour les photos de Willy Ronis, je dirais que l'on a du mal à apprécier ses photos en couleurs quand on connait celles en noir et blanc.
>> "Paris-couleurs" de Willy Ronis aux éditions "Le Temps qu’il fait". 80 photographies en couleurs, 120 pages - Préface de Michel Boujut.
>> Question à Willy Ronis : "De quelle couleur était Belleville ?"
>> "Au repos de la Montagne" - Photo ©Willy Ronis
Tags : photographes, willy ronis
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