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Maurice, l'artisan-bottier de Belleville a 100 ans !
Photo ©Gianni Giuliani
Installé depuis 1937 dans son atelier du 83 de la rue de Belleville, Maurice Arnoult, est maintenant centenaire ! Malgré son grand âge, il continue à transmettre son savoir-faire d'artisan-bottier et des élèves viennent, encore aujourd'hui, d'horizons divers, à la rencontre de cet homme, oh combien attachant ...! Passionné par son métier et doué pour la transmission, Maurice est- en effet- un professeur hors du commun. Celles et ceux qui ont eu le plaisir d'avoir suivi son enseignement ne sont pas près de l'oublier.
Aujourd'hui encore, il répond avec beaucoup de gentillesse à toutes les sollicitations de témoignages sur une époque révolue où son quartier était le centre parisien de la fabrication de la chaussure et du soulier.
Mémoire de Belleville, un quartier en mutation constante, il se souvient des vagues successives d'immigration qui ont chacune apportée leur touche à ce quartier : les grecs et les arméniens, les juifs d'Europe de l'Est, les pieds noirs, les maghrébins, les asiatiques et récemment, les ex-Yougoslaves. Il se rappelle d'un immigré grec qui, un jour, lui a dit :"on n'est plus chez nous, je n'ai pas entendu parler le français depuis le début de la rue de Belleville". Et Maurice d'ajouter: "ça, c'est de l'intégration"!
Dans l'immeuble où est situé son atelier, il est - comme il le dit lui-même - le seul "français de vielle souche"... et toujours prêt à rendre service à tous, quelques soient leurs origines géographiques, sociales, ou religieuses.
Je peux en témoigner, car lorsque j'avais rencontré Maurice dans son atelier, dans les années 90, notre conversation était sans cesse interrompue par des voisins, des relations, des gamins qui venaient le voir pour lui demander un service, un conseil ... voire ... un peu de monnaie "juste pour se dépanner".
En 1994, Maurice Arnoult a reçu le diplôme et la médaille de "Justes parmi les nations". Cet hommage est rendu aux personnes qui ont sauvé des juifs persécutés pendant la période de la shoah.
Bon anniversaire Maurice, on vous souhaite encore une longue vie, ... vous en faites un si bel usage.
>> A lire : "Moi, Maurice, bottier à Belleville" de Michel Bloit aux Editions L'Harmattan.
>> Dans l'atelier de Maurice Arnoult.
Tags : figures, artisans
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Commentaires
102 ans quand même ...
Maurice Arnoult, notre mémoire collective de Belleville, s’est éteint après avoir passé plus de 70 ans dans son atelier du 83 de la rue de Belleville. Le dernier artisan bottier du quartier est parti emportant maintenant avec lui un passé définitivement et résolument disparu. Il aurait eu 102 ans le 23 juin 2010.3Anne S.Dimanche 11 Avril 2010 à 09:05Merci Maurice
Un jour j'ai demandé à Monsieur Arnoult s'il pouvait m'apprendre à fabriquer des chaussures à la main. Il m'a répondu que l'atelier était rempli d'élèves et qu'il n'y avait malheureusement plus de place. Néanmoins, devant mes yeux brillants d'envie d'apprendre, il me proposa de m'asseoir dans un coin et de regarder... En effet, Maurice et deux jeunes femmes emplissaient déjà tout l'espace de la minuscule pièce. Tapissant les murs, des formes en bois, des peaux de chevreaux roulées, des patronages en cartons de toutes sortes et sur la table de coupe, ronronnant sous la lampe, un gros chat gris. Très rapidement Maurice me permit d'apprendre le métier de bottier en compagnie de Z. et M. ses deux apprenties. Assise sur un tabouret devant la "banquette" maculée d'outils et d'objets en tout genre, je fabriquais pour la première fois mes chaussures sur mesures. La chose n'était pas si aisée même pour une passionnée, mais Maurice savait expliquer le geste. Il nous montrait tous les trucs sans mystère. Il nous transmettait bien plus qu'un savoir faire. Bien entendu, il nous instruisait sur la technique lorsque nous posions des questions mais le reste du temps, tout en travaillant, il nous racontait sa vie. Sa famille, la guerre de 14, son enfance, son arrivée à Paris. La vie de Belleville au temps des charrettes à chevaux qui livraient le lait. Les vergers truffés de lapins. Les cabarets. Les cafés philo. Les centaines de bottiers qui oeuvraient alors dans le quartier. Ses amours. Puis la guerre de 39 avec ses rafles. L'horreur. Pendant des dizaines d'années, Maître Maurice Arnoult a transmis à des flopées d'élèves dont je faisais partie, tout ce qu'il avait reçu et bien plus encore . Dans l'immeuble du 83 rue de Belleville il connaissait tout le monde et tout le monde le connaissait. Combien de fois l'ai-je surpris réparant les chaussures des uns et des autres juste pour rendre service. C'est normal, disait il, ils n'ont rien, je ne vais pas le leur prendre.2Jean DanielVendredi 27 Juin 2008 à 10:09Merci
Merci de nous faire connaitre cet artisan centenaire ... certainement une figure marquante de ce quartier, si attachant, de Belleville.1FrédériqueJeudi 26 Juin 2008 à 19:22Maurice
Merci beaucoup. Nous lui avons souhaité son anniversaire aujourd'hui. Toujours bon pied bon oeil, nous lui transmettrons vos voeux.
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beau témoignage