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Sur le quai de la gare d'Austerlitz, la naissance d'une idylle ...
Elle a l'air d'une jeune fille à qui on donnerait le bon Dieu sans confession; cela tient sans doute à sa blondeur diaphane. Seules les sandales de saison corrigent cette impression de trop grande sagesse. Lui ressemble à ces hipsters qu'on a vu éclore ces derniers temps : lunettes à grosse monture noire, barbe fournie, sweat à capuche, bermuda en Jean et chaussures montantes. Ils appartiennent à deux mondes qui n'ont presque rien en commun, mais l'été, parfois, favorise les rencontres improbables. Car les gestes de tendresse parlent pour eux : ces deux-là sont "ensemble" comme on dit, quand on n'ose pas dire "amoureux".Ce qui frappe, c'est leur léger tremblement, comme s'ils se sentaient menacés. L'explication arrive au bout de quelques minutes: elle doit le quitter, elle a un train à prendre.
Il voudrait la retenir. La kidnapper peut-être, dans un élan romantique. Lui proposer de ne pas se quitter, pas déjà; ils ont l'âge pour ce genre de "folie". Elle repousse tristement sa tentative : "Tu sais bien que ce n'est pas possible". Elle va rejoindre ses parents, elle n'a que 17 ans. On est très sérieux quand on a 17 ans.
Alors il l'accompagne sur le quai pour l'étreindre une dernière fois. Ils échangent à l'oreille une promesse qu'on n'entend pas, mais qu'on devine. Et puis elle monte, il la salue d'un baiser depuis le quai. Le train part. Quelques secondes plus tard, un SMS arrive. Je ne peux pas lire par-dessus l'épaule du jeune homme, mais là encore on devine l'échange : "Tu me manques déjà". II répondra : "Toi aussi".
>> Voir aussi sur Parisperdu : "La photo humaniste a-t-elle un avenir? "
Tags : photo, humaniste
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Commentaires
2Joëlle GourroncLundi 1er Septembre 2014 à 16:50Baiser 2
Pour la petite histoire: Quand éclate en 1993, l'histoire du "Baiser de l'Hôtel de Ville", Doisneau prend our avocat Me Jacques Marchand. Souvenirs et confidences.1Joëlle GourroncLundi 1er Septembre 2014 à 16:49
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Joëlle Gourronc Je mets au défi quiconque de détester Doisneau! Même ceux qui l'ont attaqué étaient furieux peut-être, mais il n'y avait pas de haine!» Me Marchand se souvient avec émotion de l'homme «au regard tendre», de l'artiste qui nous «apprend encore à regarder les autres». Leur rencontre remonte au début des années 90: époque à laquelle l'avocat est chargé de défendre le photographe devant la Ire chambre du tribunal de grande instance de Paris. Deux procédures ont été engagées se rapportant au Baiser de l'Hôtel de Ville, photographié quarante-trois ans auparavant. Retour sur image... Tout commence le 12 juin 1950 avec la publication par le magazine Life d'une série de clichés commandés à Robert Doisneau, sur le thème de l'amour à Paris au printemps. Parmi les nombreuses illustrations, l'une d'elles - peu mise en valeur par la mise en page - immortalise l'étreinte d'un couple passant devant la terrasse d'un café, rue de Rivoli. La prudence impose de ne pas violer l'intimité d'amants anonymes. Comédiens au cours Florent, Françoise Bornet, 20 ans, et Jacques Cartaud, 23 ans, ont accepté, contre une rémunération, de se promener enlacés dans divers quartiers de la capitale afin que l'objectif du professionnel puisse saisir l'élan de leurs émois. Doisneau les a photographiés à la gare Saint-Lazare, rue Royale, devant le Bazar de l'Hôtel de Ville... Le fameux «BHV», comme le baptiseront plus tard Annette Doisneau et Francine Deroudille, va devenir une image iconique, puis, à retardement, l'objet d'une déroutante polémique. Au début des années 80, la photo des tourtereaux s'imprime sur des cartes postales, des calendriers, du papier à lettres, des posters... Une exposition de premier plan qui suscite un intérêt tout aussi exceptionnel. «Des lettres arrivaient de tout le pays, explique Jacques Marchand. Des hommes et des femmes disaient s'être retrouvés dans cette image qui célébrait leur jeunesse... Il y avait parfois même un besoin d'identification de ceux qui s'imaginaient en avoir été les sujets.» A l'exemple de Denise et Jean-Louis Lavergne qui intentent un procès à Doisneau en 1993. «Au départ, en tout cas, il était surtout question d'une action en reconnaissance...» Un acharnement rapidement doublé de la volonté d'obtenir une part des bénéfices de la commercialisation du fameux cliché. La preuve étant apportée qu'il ne s'agit pas d'un baiser volé, mais d'une séance de clichés qui ne doivent rien au hasard, ils seront déboutés. De plus, et dans le même temps, Françoise Bornet, reconnue comme étant le modèle de la photo, a, elle aussi, intenté une action en justice pour exploitation abusive de son image. Là encore, le jugement ne lui donnera pas raison au motif qu'elle n'est pas reconnaissable. Dossier clos. Robert Doisneau fut-il blessé par toute cette affaire? Il ne manifesta que discrétion et dignité. Une photo de Jean Dieuzaide le montre à la sortie du tribunal avec son avocat. «Son regard y est si révélateur de la bonté du personnage», souligne Jacques Marchand. Ce souvenir, il l'a précieusement conservé, tout comme une autre image dédicacée où figure un simple tas de cailloux... Sujet modèle pour l'éternité.