• Les dormeurs de la place des Vosges.


    Place des Vosges, 1972


    En cette après-midi d'été, lorsque je pénétrai sur la place des Vosges, mon regard fut immédiatement attiré par une masse sombre, celle d'une auto pas comme les autres...

    Il s'agissait d'un London cab, un ancien taxi londonien. Je fis une photo où "l'engin" se coulait dans la célèbre perspective des arcades de la place. Mais je n'étais pas sûr du résultat. Aussi, me rapprochai-je du véhicule, en pensant à Robert Capa, ce photographe de guerre qui disait: "Si ta photo n'est pas bonne, c'est que tu n'étais pas assez près".

    Et là, quelle ne fut pas ma surprise: à l'intérieur du "cab", se tenaient deux messieurs: l'un, assis, avait gardé son chapeau, l'autre allongé, l'avait posé à côté de lui. Tous deux étaient immobiles, ... morts peut-être. Mais soudain un léger ronflement s'échappa par la vitre baissée, tous deux dormaient ... profondément.

    Comme souvent dans ces cas-là, face aux scènes insolites que je photographie, je me mets à imaginer l'histoire de la photo. Que faisaient donc ces deux dormeurs place des Vosges ?

    J'ai d'abord pensé qu'ils étaient partis de Londres, qu'ils avaient roulé toute la nuit, et que d'épuisement ils s'étaient endormis à leur arrivée à Paris. Ou peut-être encore, de façon plus improbable, qu'après avoir pénétré, par hasard, place des Vosges, ils n'en avaient plus retrouvé la sortie et après avoir tourné en rond, pendant des heures, le sommeil avait eu raison d'eux ...!

    Plus sérieusement, j'ai extrait cette photo de mes archives après avoir vu l'exposition de Robert Frank, "Paris/Les Américains" au  Jeu de Paume, car l'une de ses photos ("Detroit, 1955") me semble faire écho à nos "Dormeurs de la place des Vosges".

    Les photos de Robert Frank, un des derniers géants de la photographie du XXème siècle, témoignent d'une prise de parole neuve - pour son époque - qui rapprochait, de façon vraiment révolutionnaire, le photographe du sujet photographié. Dans la rue aussi, "si ta photo n'est pas bonne, c'est que tu n'étais pas assez près".


    >> Robert Capa, photographe de guerre

    >> Robert Frank, "Paris/Les Américains" au  Jeu de Paume


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  • Commentaires

    4
    Mercredi 21 Janvier 2009 à 09:54
    Deux dormeurs
    Ce qui est étonnant c'est qu'ils aient trouvé de la place pour stationner place des Vosges, sans être délogés par les contractuelles, je vous trouve bien courageux de vous être approché de la voiture, vous auriez pu saisir un tout autre acte de vie qui peut se faire dans une voiture, imaginez un peu votre embarras ! Mais il s'agit bien de deux dormeurs et la photo est fort belle, peut-être sont-ils en train de rêver qu'ils sont au Plaza Athénée ? Bien amicalement Genevieve
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    3
    Regis
    Mercredi 21 Janvier 2009 à 09:45
    Ferait presque peur
    Cette photo a une forte charge émotionnelle, elle ferait presque peur. Intemporelle également.Bravo
    2
    Dimanche 18 Janvier 2009 à 19:09
    Oui, pas trop près ...
    Vous avez raison, c'est bien plus compliqué aujourd'hui qu'à l'époque de la photo (1972). Je reste toutefois convaicu qu'il faille s'apporcher du sujet... et pour ce faire aujourd'hui il faut sans doute redoubler d'attention et de discrétion.
    1
    Dimanche 18 Janvier 2009 à 18:36
    Ma bobine sur Internet? Gaffe mec!
    Cette photo est terrible! Le blues brother à l'avant et le toubib allumé à l'arrière avec ce sinistre reflet du soleil dans les lunettes.. très cinématographique! Par contre, s'approcher toujours plus aujourd'hui? Internet d'un côté et le droit à l'image de l'autre compliquent sérieusement les choses de nos jours. Non?
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