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Willy Ronis raconte comment il a découvert Belleville.
Rue de Ménilmontant _ Paris 20ème
C'est Willy Ronis qui nous parle de son attachement à Belleville et à Ménilmontant :
"Ce quartier, dans l’imaginaire des petits bourgeois qu’étaient mes parents, avait une connotation très péjorative, c'était un quartier de voyous. Je le découvre fin 1947. Ma femme qui était peintre, connaissait un garçon du nom de Daniel Pipard qui habitait 88 rue de Ménilmontant et qui lui avait dit : "Tu devrais venir avec ton mari chez nous, j'ai un chic atelier dans une petite impasse, rue de Ménilmontant, et tu verras, c'est un quartier intéressant."
Et c’est ainsi qu'accompagnant ma femme, j’ai fait la connaissance et des Pipard et du quartier. Daniel Pipard m’a emmené deux ou trois fois voir certains coins pittoresques du quartier et je me suis pris d’un très grand intérêt pour Belleville et Ménilmontant et au bout d'un certain temps, je lui ai dit : "Laisse-moi maintenant, je vais faire des photos, on verra bien ce qui en sortira."
Et chaque fois que j’avais un peu de temps devant moi, je sautais sur ma moto mais comme à cette époque, j'habitais le 15ème, je traversais donc tout Paris pour voir ce quartier et pour aller chez cet ami peintre. Et puis voilà, je me suis pris d'intérêt, d’affection pour ces lieux mais je ne l’ai pas fait en chercheur et en historien, je l'ai fait simplement au pif, comme ça. Je me promenais comme dans une ville étrangère que j’étais peut être amené à ne jamais revisiter.
Je suis assez peu entré chez les gens, j’ai surtout musardé par les rues et les passages. C’est ainsi que j'ai engrangé beaucoup de documents entre novembre 1947 et 1950. Je pensais qu’il y avait là matière à un album. J'ai montré mes photos à une dizaine d'éditeurs, mais ça n’a intéressé personne. Entre temps, j’ai fait la connaissance de Pierre Mac Orlan que Daniel Pipard connaissait bien et qui a bien voulu, à tout hasard, m’écrire une préface pour ce projet. Voyant que je n'obtenais aucun succès en montrant ces photos, je les ai fourrées dans un tiroir et je n’y ai plus pensé.
En 1953, j'ai eu un jour la visite de Claude Arthaud, la fille de Benjamin Arthaud, le fondateur des éditions, et elle me dit : "Voilà, mon père m’a confié la direction d'une collection qui s’appellera Les Imaginaires et j’aimerais bien, connaissant votre travail, commencer avec un album signé de vous. Est-ce que vous avez un sujet que vous voudriez bien traiter ? " Alors je lui dis : "Non seulement cette idée me plaît mais j'ai quelque chose de tout prêt". J’ai ouvert le tiroir où dormaient depuis très longtemps toutes ces photos et cela lui a beaucoup plu. La première édition a paru en 1954. Ce livre a eu un succès d’estime mais une bonne partie est partie dans les boîtes des quais et ensuite rachetée par des soldeurs.
Entre temps, je m'étais tellement épris du quartier qu’il n'était pas question de ne pas y retourner parce que le livre était paru. J’ai donc continué à y faire des photos dans les années cinquante et soixante et puis ma vie a pris un autre tour, j’étais préoccupé par d’autres sujets. D'ailleurs entre 1972 et 1983, ma femme et moi, nous avons quitté Paris pour le Vaucluse et je n’y ai plus pensé. Mais si je me plaisais beaucoup dans le Midi, j’avais quand même une certaine nostalgie de ma vie antérieure.Et donc en 83, j'avais reparlé chez Arthaud d’une éventuelle réédition du livre car on n’en trouvait plus sauf chez des libraires spécialisés où ils se négociaient fort cher. L'éditeur a acquiescé et la deuxième édition est parue en 84. Elle a été épuisée en trois mois. Depuis il y a encore eu deux autres éditions.
Dans le quartier, il y avait naturellement les nostalgiques, les gens qui habitaient là et qui ont vu changer le quartier, pas en très bien la plupart du temps, et puis également les gens qui s’intéressaient au vieux Paris et pour qui ce livre était un reflet du vieux Paris disparu, enfin presque entièrement disparu".Après avoir lu cela, vous comprenez aisément pourquoi Parisperdu porte un si vif intérêt à ce quartier de Paris et aussi au photographe qui en a si bien restitué l'atmosphère si particulière et si attachante. Un grand merci, un très grand merci Willy …
>> Mais qui était donc ce Monsieur Pipard ?
>> La traversée de Belleville par Willy RONIS.
>> Parisperdu, la genèse du blog.
Tags : paris, photographes, willy ronis
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