• 16 rue de Nantes - Paris 19ème. (juillet 1997)


    Après Maurice Merleau-Ponty, Michel de Certeau, Georges Perec et Italo Calvino, Olivier Mongin s'intéresse à la ville à l'heure de la mondialisation.
    Dans son ouvrage: "La condition urbaine", Mongin appelle à la réflexion : l’Urbain définit désormais notre "condition", la ville est devenue notre environnement "naturel" et les enjeux de société possèdent, inévitablement, une forte dimension urbaine.

    Aujourd'hui, la "question urbaine" ne définit plus un domaine isolable. Elle n’est pas tout, mais elle est partout. Car avec la mondialisation, nous voilà projetés dans "l'après-ville ", dans le "post-urbain ".

    A Paris, nous étions habitués à voir la ville comme un espace circonscrit par l'anneau du périph' et dans lequel se déroule une vie culturelle, sociale et politique rendant possible une intégration civique des individus ... Nous voici maintenant confrontés d'un côté à des métropoles gigantesques et sans limites, et de l'autre au surgissement d'entités globales, en réseau, coupées de leur environnement.

    Parallèlement, la dynamique de la ville voit deux processus à l'œuvre: celle des quartiers en difficulté, mais aussi celle des retrouvailles d’une partie des "classes moyennes" avec la ville dense, un processus que l'on peut résumer par le terme, réducteur, de "gentrification".

    Et c'est bien ces contradictions en mouvement, qui rendent passionnante l'approche de la ville aujourd’hui.

    Mais la reconfiguration en cours suscite l'inquiétude : allons-nous assister au déclin irrémédiable des valeurs urbaines qui ont accompagné l'histoire européenne ?
    La fragmentation et l'étalement chaotique vont-ils inéluctablement l'emporter ?
    Sommes-nous condamnés à regretter le Paris des Lumières, la grande ville du 19ème siècle ?
    A une époque où l'information s'échange immatériellement selon des flux plutôt que dans des lieux : comment, dans ces conditions, refonder un lieu urbain accordé à notre temps ?
    Tel est le défi proposé par la mondialisation à Paris comme aux autres grandes métropoles.



    >> La Condition urbaine, par Olivier Mongin.

     

     


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  • Hall de l'immeuble 5C, dans l'un des quartiers Nord de la capitale.
    Mouss est au centre de l'image.


    On les appelle les "hitistes", littéralement les "teneurs de murs". Leur  nom est dérivé du mot “hit” qui en algérois signifie “mur”.
    Est hitiste, un jeune de sexe masculin, chômeur, adossé toute la  journée à un mur parce qu’il n'a pas plus d’espace personnel au domicile familial que d’espérance d’évolution dans la société. Le hitiste revient toujours squatter le mur nourricier qui l'a vu grandir, lui et ses congénères.

    En ce matin d'hiver, je pars dans les quartiers Nord de la capitale, à la rencontre de jeunes en galère, collectionneurs au mieux de petits boulots et tous marqués par l’échec scolaire.

    Je finis par croiser Mouss, 21 ans, qui cherche la voie qui lui permettrait de couper le cordon ombilical avec "les murs de chez lui" …

    Mouss est là, depuis des années, du matin jusqu'au soir, avec ses potes hitistes. Collés au mur toute la journée, ils regardent passer la vie …

    Mouss n'a jamais travaillé, n'a connu que l'ennui, le chômage, la petite délinquance aussi un peu… et les problèmes de logements: ils sont 8 dans le petit 3 pièces familial, … alors il est tout le temps dehors. Et il ne peut même pas déménager, "j'habite dans mes vêtements" dit-il, un brin désabusé.

    Alors Mouss n'en peut plus, depuis des années et des années il veut partir … ailleurs, n'importe où, mais ailleurs, … là  où il y aurait des activités et des occupations autrement plus épanouissantes …
    Mais il est où, cet ailleurs ?


    >> "C'est déjà ça …"

     


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  • Rue du Docteur Paul Brousse Paris 17ème - "Boucherie fermée pour cause de santé"


    La pénurie de logements à des prix abordables fait fuir le parigot de sa ville. Jadis, on "montait" de sa province à Paris pour y faire carrière. Désormais on y naît, puis on la quitte.

    La ville a compté jusqu'à près de 3 millions d'âmes en 1921, record historique. En 2011, la population de Paris dépasse tout juste les 2 millions. Et la décroissance va se poursuivre car il faut s'attendre, dans les prochaines années, à un "double déficit migratoire": celui des "jeunes actifs de 25 à 39 ans" qui vont, de plus en plus quitter Paris, pour élever leurs enfants dans un environnement moins urbain, moins pollué et celui des seniors de 55-64 ans qui vont en partir pour passer leur retraite sous des cieux moins coûteux.

    S'il s'avère que l'emploi et le cadre de vie sont les deux motivations déterminantes des Français pour choisir leur lieu de résidence, selon chacun de ces deux critères, la capitale tend à devenir dissuasive. Résider en Ile-de-France est bien plus souvent vécu comme une contrainte que comme un choix.

    Désormais qui peuplent les quartiers "populaires" des 18, 19 et 20ème arrondissements, hormis une foule d'immigrés d'Afrique et du Maghreb ? Dans certains secteurs, il ne reste que les seniors peu fortunés qui n'ont pu fuir.
    Mais depuis quelques années, de nouveaux contingents arrivent ici: ce sont les écolos-bobos qui trouvent ces quartiers si "authentiques" et tellement "tendance". Grâce à eux (ou à cause d'eux ?), Paris a su créer un contre-ghetto, là où certains quartiers de cette belle ville ressemblent à ceux du 9-3.

    Certes le prix de l'immobilier est au firmament, certes trouver un logement en location à un prix décent est impossible, sauf pour les nantis et les fonctionnaires qui bénéficient d'avantages certains, mais il y a beaucoup plus grave: les commerces ferment en masse, l'activité est paralysée, le stationnement impossible et les embouteillages sont légions et gigantesques … tout cela ne va-t-il pas finalement, transformer Paris en cité fantôme ?

     

     >> Paris, n'est pas un musée.

    >> Paris a-t-il perdu son âme ?

     

     


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  • Du 26 au 30 de la rue de la Tombe-Issoire, les façades des immeubles affichent, depuis déjà bien longtemps, des ouvertures murées de toute part.

    Mais derrière ces murs aveugles, il y a pourtant quelque chose d'unique à Paris: la vielle ferme de Montsouris et ses 2700 m2 de terrain, … de quoi aiguiser l'appétit d'un promoteur.

    De la ferme de Montsouris qui a fourni du lait frais aux Parisiens jusque dans les années 1930, il ne subsiste aujourd'hui qu'une grande cour avec une grange, et un cellier voûté.

    Et sous la ferme,  il y a les carrières de Port-Mahon qui font partie de l'un des tous premiers circuits des catacombes de Paris. Et, c'est bien là "le hic" car le projet d’immeubles que le promoteur compte y construire se heurte jusqu’à présent à cet obstacle de taille : l’existence, sous l’intégralité du terrain, de carrières médiévales classées "Monument Historique".

    Alors, défenseurs du patrimoine et promoteurs s’affrontent sur ce dossier immobilier depuis maintenant près d’une décennie. Et le bras de fer n'est pas près d'être terminé …

    Le collectif d'associations, qui s'est formé pour défendre ce monument historique "rarissime", dénonce la "pseudo-restauration", proposée par le promoteur, qui servirait surtout à poser les fondations d'immeubles neufs. La juge des référés du tribunal administratif de Paris vient de lui donner raison le 13 juillet dernier, en estimant le projet "susceptible de porter atteinte à l'intégrité du monument".

    Pour dénouer l'affaire, plusieurs propositions de rachat du terrain ont été faites au promoteur par diverses parties prenantes, en vue d'une restauration de la ferme Montsouris avec comme but final, celui de créer une ferme bio ou des équipements culturels.

    Et maintenant, voilà que les "people" s'en mêlent, et parmi eux: Lorànt Deutsch dont l'amour pour Paris ne peut être mis en doute; mais que penser de son acolyte, chef au Meurice, qui prêche pour une ferme bio avec son bestiaire, le tout associé à un restaurant haut de gamme, … le fumier de l'étable va-t-il côtoyer le fumet des plats gastronomiques … ?

    Finalement, le statuquo pourrait durer encore longtemps car le meilleur atout pour la défense du site reste sans doute son sous-sol, trop fragile pour supporter de nouveaux immeubles et dont le classement désormais définitif n'autorisera pas l'édification de fondations souterraines …

    Issoire, ce géant de légende, dont la tombe serait située dans le secteur, serait-il en train de se rappeler à notre mémoire, en envoyant d'outre-tombe un message aux promoteurs : celui de passer leur chemin … ?



    >> Site du collectif des associations de Sauvegarde du 26 rue de la Tombe-Issoire.

    >> Lorànt Deutsch à la ferme …



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  • Palais des Congrès de la Porte Maillot -  75017 Paris.
    Construit à partir de 1970 et inauguré en 1974, c'est un exemple de l'architecture des 30 Glorieuses.

     

     Lequel d'entre nous n'a jamais maugréé : "Ah c'était quand même mieux avant !"
    Certes, on peut penser qu'il y a toujours eu - et qu'il y aura toujours - des "vieux cons" qui regrettent le passé et leur jeunesse.

    Vous avez dit "Nostalgie"… ?
    "La nostalgie, c'est le désir d'on ne sait quoi ", a écrit Antoine de Saint-Exupéry dans Terre des hommes. Ce sentiment repose sur des mécanismes d'idéalisation du passé. Le temps filtre les aspects négatifs du souvenir. Il ne reste que le positif.

    Bien évidemment, tout cela est hautement subjectif, mais il me semble que dans un passé pas trop lointain, les gens croyaient plus au progrès, plus à l'avenir, … plus à l'homme aussi.
    Mais depuis que le business, l'argent, la rentabilité à tout prix et l'hyperconsommation règnent en maîtres, … bref depuis que les financiers ont pris le pouvoir dans la société,  on a désappris à vivre ensemble. Le bon sens populaire a cédé la place à l'uniformisation et la sagesse s'émousse. Et, il faut bien reconnaître que l'ambiance n'est plus la même.

    Sans tomber dans la brève de comptoir, il faut aussi admettre que beaucoup d'entre-nous disent regretter la façon dont ils exerçaient leur métier. Un seul exemple, France Télécom: avant c'était une entreprise dans laquelle les gens étaient fiers de travailler, il y avait un esprit de corps… aujourd'hui, ils se suicident.

    Et cette fuite du "vivre ensemble" ne se constate pas seulement dans les relations au travail. Dans la vie au quotidien, dans les familles aussi, on était beaucoup plus proches ; il y avait du boulot pour (quasiment) tout le monde ; on pouvait vivre décemment avec un seul salaire, les enfants étaient mieux éduqués, les personnes âgées mieux considérées, il y avait plus de morale, de respect pour les valeurs essentielles.

    Alors vraiment, c'était mieux avant… ?
    Mais avant quand ? Avant 1960 … 70 … 80 … 90 ?

    De 1960 au début des années 80, la société est rétrospectivement parée de toutes les vertus et sacralisée. La France de ces années-là est devenue un mythe … Et même si, suivant les époques, il y avait du bien et du moins bien, jusqu'à la crise du pétrole des années 75 en tout cas, il semblait qu'on allait toujours vers le mieux alors que depuis 20 ans on sent, que l'on va vers le moins bien...

    Alors, marche arrière toute … ?
    A l'heure du tout numérique, rien n'est plus tendance que le "noir et blanc".
    Ah, le bon vieux temps, celui du Franc, quand la vie n'était pas aussi chère qu'aujourd'hui.
    En proie à la nostalgie, le passé serait donc devenu la valeur refuge des Français. Car les Français, d'une part insatisfaits par la période actuelle et d'autre part anxieux face aux modes de vie incertains que le futur leur réserve, se sont exilés dans le culte imaginaire des "Trente Glorieuses", … comme si l'avenir, c'était mieux avant …


    >> Les "trente glorieuses sont devant nous", de Valérie Rabault et Karine Berger.

    >> Lire aussi sur Parisperdu : "Nostalgie".

    >> "C'était mieux avant ", par Monsieur Roux.

     

     

     


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