•  

    Il y eut une époque où le quartier de Belleville avait pour le parisien à peu près la même réputation que celle que peut avoir aujourd’hui le Bronx pour les new-yorkais.
    Bien que fortement atténuée par une considérable mutation urbaine et sociale, cette image perdure encore quelque peu de nos jours.

    Il n’est pas indifférent dans le destin de ce quartier qu’il se situe sur une colline.
    Paris compte en effet une demi-douzaine de collines: la Butte-aux-Cailles, Montparnasse, Montmartre, Belleville et Ménilmontant, … collines dont l’abandon aux classes pauvres, laisse à penser qu'à l’époque d'Haussmann, les sites en hauteur n’étaient pas dignes du nouvel urbanisme.

    Sur ces collines, restées à l’état de villages, avec leurs vignes, leurs asperges, leur bétail et leurs volailles, … le mode de vie rurale continua de résister longtemps. Leurs habitants se retrouvaient "à la campagne à Paris", nom que porte encore d’ailleurs deux ou trois quartiers pavillonnaires, désormais minuscules.

    Cette résistance rurale évolua ensuite par les renforts qu’apportèrent à ces collines des laissés-pour-compte et des mécontents de tout acabit, ceux-ci atterrirent ici non seulement pour des raisons foncières (le prix modéré des loyers), mais aussi pour des motifs politiques, ou tout au moins par une attitude de désapprobation de la société mercantile qui se construisait en bas. La classe dangereuse ruminait ses mauvais coups sur ses hauteurs, "prête à fondre sur les beaux quartiers ".

    Les points géographiques élevés possèdent pourtant des atouts pratiques certains (grand air, luminosité, vastes panoramas, territoire facile à défendre), ainsi qu’une psychosociologie spécifique car leur exiguïté et la difficulté d’accès leur donnent un caractère quasi-insulaire où l'on cultive sa différence.

    Concernant Belleville, l’agrément du paysage, vu du belvédère, pourrait avoir été si déterminant dans le caractère du lieu qu’il serait à l’origine même de son nom, dérivé de Beauregard (le nom de la butte de la Place des Fêtes à l’origine), en passant par Bellevue (encore de nos jours le nom d’une rue près de cette Place).

    Cette histoire urbaine mouvementée pose quelques problèmes quant aux représentations des habitants de Belleville par rapport au centre de Paris. Il y a certainement une identité bellevilloise, mais Belleville appartient clairement dans les esprits à Paris intra muros. L’ex-village et ancien faubourg regarde d'ailleurs d’assez haut la nouvelle banlieue.

    "Belleville", ce terme qui englobe de plus en plus Ménilmontant comme un sous-quartier, possède à la fois la réalité urbaine d’un noyau dur évident (de la Place des Fêtes vers le sud, le long de la rue de Belleville, jusqu’aux alentours du boulevard du même nom, axe réunissant le Haut-Belleville et le Bas-Belleville), et des limites subjectives floues.

    Si les habitants de la Place des Fêtes prétendent couramment habiter Belleville, il en va encore de même des riverains de l’Est de la Place Stalingrad, de l’autre côté des Buttes-Chaumont, où des personnes estiment habiter Belleville "à sa limite avec Paris", expression étonnante qui montre que certains de ses habitants limitrophes tiennent à bien distinguer Belleville de Paris !

    A suivre …

     

     

    >> Voir aussi : "Dans la jungle de Belleville".

     


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  • Rue de la Cloche -Paris 20ème (1994)

    1948, Willy Ronis, en chasse photographique, parcourt ce secteur de Ménilmontant, rue de la Cloche. Il y surprend une jeune femme, en peignoir, qui entre dans son immeuble.

    1994, sur les pas du Maître, je déambule dans ces mêmes petites rues. Les pavés disjoints, et les immeubles lépreux, bien malades sont toujours là  … point de femme en peignoir mais une africaine en boubou regagne, elle aussi, son domicile.

    2010, de retour sur les lieux, je ne reconnais plus rien … tout est bouleversé …
    La butte dénudée qui est là, était pourtant autrefois occupée par des rues, des immeubles …
    A leurs places, seuls se dressent quelques arbres chétifs et des allées dessinent l'ébauche d'un jardin récemment créé …

    Une plaque indique: "Square du Docteur Grancher". La rue de La Cloche n'existe plus …
    Je suis arrivé trop tard au chevet du malade.


    >> "Rue de la Cloche, Ménilmontant, Paris, 1948" - Photo : ©Willy Ronis.
     

    >> La rue de la Cloche en 1994.

    >> Le Square du Docteur Joseph Grancher en 2010  -  (nouveau secteur Cloche-Bidassoa).

    >> La rue de la Cloche, déjà sur Parisperdu.



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  • A 82 ans, Line Renaud vient de donner trois soirées de concerts à l'Olympia, une salle où elle chantait pour la première fois de sa carrière.

    Hier, c'était la dernière représentation, un triomphe !

    Et c'est également hier, au détour d'une petite rue, dans un quartier perdu, que je suis tombé nez à nez avec "ce chien dans la vitrine" …

     

    Bien sûr, "ce joli p'tit chien" n'est pas "jaune et blanc" comme le dit la chanson … mais comment, à cet instant, ne pas penser à cette grande dame du music-hall qui, en 1953, publiait son nouveau 78 tours avec "Le Chien Dans La Vitrine", une chanson écrite et composée par son mari Loulou Gasté.


    Une époque qui certes peut sembler bien lointaine … mais qui reste d'actualité, grâce à la vitalité et la jeunesse d'une octogénaire.

    Alors :

    " Combien pour ce chien dans la vitrine ? "

    " Eh bien c'est d'accord je le prends…"

     

     

     >> A 82 ans, Line Renaud découvre l'Olympia 

     

      

     

     


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  • Campement de Roms, Bidonville (2002- 2006) -  Boulevard Mac Donald - Paris 19ème

    Photo © Eric Garault /Picturetank.

     

     

    Le point de départ ne peut être plus concret : une carte IGN de Paris et de sa région. Sur la carte, des zones restent étrangement blanches, sont-ce des terrains à construire, des terrains  militaires … ?
    Lorsque vous allez sur place explorer les lieux, les "vides" de la carte n°2314 OT de l'IGN, vous comprenez alors que les cartes n'entretiennent que des rapports très lointains avec le réel !

    Souvent, derrière ces occultations suspectes, vous allez découvrir ce que nos villes modernes refoulent vers l'extérieur : une misère odieuse et anachronique, des bidonvilles cachés aux portes de la capitale, des espaces réservés aux sans domicile fixe et aux gens du voyage.
    Et, dans le Paris citadin, boulevard Mac Donald, ou Porte d'Aubervilliers, c'est l'envers de la ville, la ville à l'envers : tout ce que nos responsables politiques nous cachent.

     

    Ayant vu ce que dissimulait la carte de la région parisienne, on comprend comment, à Washington ou au Cap, on a pu mettre en vente des plans de la ville où, tout simplement, les quartiers pauvres ne sont pas représentés. Des plans de la ville où ne figure qu'un tiers de la ville…

     

    A l'heure où les métropoles voient leurs townships et leurs favelas broyés par l'abandon, à l'heure où Paris devient une ville-musée inaccessible; les campements du boulevard Mac Donald ou de la Porte d'Aubervilliers montrent le paradoxe de nos mégapoles : à l'époque du GPS et des caméras de surveillance, nous ne connaissons rien du monde ...



    >> Aller plus loin avec le "Livre blanc" de Philippe Vasset.

    >> Bidonvilles/Seine, par Eric Garault




     


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  • Le Périph' / Porte Dauphine

    Paris est l’une des rares capitales, d’un pays majeur, d'une surface aussi petite et entièrement verrouillée par un périphérique visuellement très présent.

    Construit en 1973, le périphérique a remplacé les fortifications, communément appelées "fortifs" . Au-delà, il y avait " la zone".
    "La zone", c'était l'endroit où l'on était en dehors, en dehors de la ville, de la société, des lois, un endroit marginal et incertain, où l'habitat était précaire. 

     

    Mais, depuis que cet espace large de 400 mètres a été récupéré, dans les années 20 à 30, aucun pouvoir politique n'a jamais eu de plan d'aménagement cohérent, si bien qu'on a reconstitué sur l'espace des "fortifs" un "no man's land" entre ville et banlieue.


    Dans cet interstice, on a accumulé, pêle-mêle, constructions et  équipements, et l'on a ainsi constitué une barrière difficilement franchissable.

     

    Le "Grand Paris" tant annoncé, tant attendu donnera-t-il à la ville un peu d'air ?  
    Pas si sûr, car à l'arrivée, ces grands projets causent parfois de grandes déceptions …



    >> La "zone" d'Ivry il y a un siècle - 1913 (© Photo : Agence Rol)

    >> La construction du périphérique parisien. (Archives INA)

    >> Intra-muros. 

    >> Ici, Paris n'est plus le même …

    >> Espaces urbains à vocations indéfinies

    >> La vie sous le périph'




     


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