• Pour les photographes parisiens, la rue du Javelot serait-elle devenue "la nouvelle rue Watt" ?

    Peut-être bien, car on y retrouve l'atmosphère particulière des rues sous-terraines, à la fois glauques mais envoûtantes, effrayantes mais terriblement esthétiques.

    La rue du Javelot est une vraie rue de la ville de Paris. Souterraine, ses entrées ressemblent plutôt à des entrées de parkings, l'éclairage y est médiocre... et partout fleurissent des panneaux de stationnement interdit, avec l'immanquable pictogramme signalant l'enlèvement du véhicule en cas d'infraction.

     

    Dans cette rue, beaucoup de petites choses qui seraient, ailleurs, sans importance deviennent ici complètement hallucinantes. Ainsi, vous y rencontrez des gens qui préfèrent faire leur jogging dans ce lieu clos et sinistre plutôt que dans le parc de Choisy à seulement quelques minutes de là, ou des amoureux qui passent leurs après-midi dans ce souterrain, à coté des poubelles …

     

    Les enseignes des boutiques ressemblent peu à celles d'une rue commerçante, et pourtant, contrairement aux apparences, la rue du Javelot est une rue commerçante, et même très commerçante. Seulement ici, les commerces n'ont pas conquis le droit à des vitrines, à des néons, à de pimpantes couleurs … Rien n'est fait pour inciter le client à pousser la porte …

    Ainsi, au 44, c'est le "Sieu-Thi Viet Nam", l'entrée d'un supermarché vietnamien, sa porte en tôle ondulée n'encourage pas à venir y faire ses courses.

    Puis, au 58, c'est "Pasta et Basta", un restaurant italien sans doute caché derrière une porte au fond d'un sas faïencé; mais là non plus, on n'a pas très envie de s'attarder.

    Plus loin, deux portes: l'une pour l'escalier, l'autre pour l'ascenseur, à moitié dissimulées derrière des containers-poubelle : c'est l'entrée du "47, rue du Javelot, 75013 Paris". Tout près, une boîte à lettre pour cette adresse improbable, située au milieu de nulle part …

    Enfin, au 42, l'atmosphère ne semble pas très saine non plus, c'est pourtant l'adresse de la crèche collective. Mais elle est en travaux de déconstruction et de désamiantage !

     

    Certaines démarches d'urbanistes érigent parfois la modernité en absurdité la plus totale …
    Si vous n'en n'êtes pas convaincus, allez donc faire un tour rue du Javelot.

     

     

     

    >> Voir aussi : "Dalle ou dédale des Olympiades ?"

     

     

     

     


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  • Loin de la structure traditionnelle du tissu urbain, ce quartier du 13ème arrondissement est extrêmement déroutant. Si vous voulez vous rendre dans certaines rues, à une adresse précise, rue du Javelot ou rue du Disque, par exemple, il faudra vous armer d'une bonne dose de patience. Car ces rues, enfouies sous la dalle, sont totalement invisibles, inaccessibles aux piétons et quasiment introuvables.

    Venant de la rue de Tolbiac, vous allez gravir 56 marches, soit presque 10 mètres de dénivelé, et déboucherez alors sur un panorama d'immeubles uniformes et inexpressifs.
    La dalle est bruyante, et les discussions se réverbèrent en écho sur les immenses parois d'immeubles aux alvéoles bien rangées, trop bien rangées ... A observer les cases de béton savamment biseauté, on se prend à rêver à une certaine science fiction où des véhicules en lévitation desservent chaque case/appartement, aux coordonnées tridimensionnelles rigoureusement répertoriées. Vous habitez alors, par exemple, le "repère" suivant: X02/Y15/Z24. Et pourtant, c'est bien au sol que se situe votre adresse, rue du Disque ou rue du Javelot !

    Vous devez gravir encore 28 marches supplémentaires pour accéder à un second niveau de la dalle qui ici, n'est plus toute neuve ... ! La crèche va être reconstruite, et la dalle sera rénovée, promet une affichette. Mais à coté, sur le béton brut, un tag crie: "Vas y, nique ta race".

    Troisième niveau, fin du dédale ... vous débouchez sur un jardin condamné. Le vent frais tournoie entre les barres toutes semblables. L'herbe a poussé entre les dalles de béton, et les gigantesques pots des tilleuls adultes se fissurent.
    Le jardin domine un trou béant où les voies ferrées de l'ancienne gare des Gobelins s'engouffrent sous la dalle. Une bande de gamins vient y trainer. Ironie du lieu, à observer leurs jeux intemporels, un parfum tenace de nostalgie embaume - aujourd'hui - l'utopie d'hier.

     

     >> Voir aussi sur Parisperdu: "Italie 13" : La politique de la table rase.

     

     

     


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    Les tours des Olympiades. Au premier plan, le seul bâtiment restant des usines Panhard et quelques rares maisons rescapées.

     

    L'opération Italie 13 est la réponse-type au diagnostic souvent formulé, dans les années 50, par les architectes et les politiques pour l'aménagement des arrondissements périphériques de Paris.


    Ce diagnostic est le suivant: ces arrondissements comprennent de nombreux îlots jugés insalubres ou simplement "mal construits". Comment améliorer cet existant "bancal" ?
    La réponse sera celle-ci: la rénovation de ces îlots doit se faire non par un simple assainissement des immeubles mais par une réorganisation d'ensemble de ces quartiers dans l'esprit de la Charte d'Athènes de Le Corbusier, à savoir: construction en hauteur afin de libérer des espaces au sol et ainsi assurer aux appartements une meilleure luminosité, mais aussi: séparation des voies destinées à la circulation automobile de celles consacrées à la desserte locale et aux trajets piétonniers.
    L'opération Italie 13 illustre à merveille ce programme. Mais nombre de principes pourtant essentiels pour Le Corbusier ont été oubliés pour ce quartier, comme celui de vastes parcs entourant les tours ...

     
    Autour de l'avenue d'Italie, on pratiqua donc la politique de la table rase afin de pouvoir construire - sur 87 hectares - une cinquantaine de tours. Finalement seulement 34 d'entre elles, seront érigées.
    Les tours doivent toutes avoir à peu près la même hauteur : une trentaine d'étages. Les architectes en charge du projet estiment en effet que l'urbanisme de tours, loin d'opérer une rupture traumatique avec le passé, prolonge la vieille tradition parisienne de l'unité de hauteur des bâtiments !?!

    Le résultat de l'opération ne sera pas vraiment un succès. A l'origine, dans les années 70, l'opération Italie 13 visait à séduire une population de jeunes cadres, en tablant sur le modernisme du quartier et la présence de nombreux équipements scolaires et sportifs. Or les tours, éloignées du centre de Paris, trop standardisées dans leur architecture, n'ont pas séduit les Parisiens.
    Loin de la structure traditionnelle du tissu urbain, le quartier a dérouté les futurs acquéreurs, car certaines rues où vous aurez votre adresse - comme les rues du Javelot et du Disque - sont totalement invisibles, enfouies sous la dalle, elles sont inaccessibles aux piétons et quasiment introuvables.

    Les tours sont alors restées inoccupées pendant plusieurs années et l'opération aurait sans doute été un échec cinglant sans l'arrivée des premiers réfugiés vietnamiens vers 1975. Ils vont rapidement occuper les lieux, vivant à plusieurs familles par appartement afin de payer les loyers élevés. Ils seront suivis par d'autres vagues de réfugiés et d'immigrés cambodgiens, laotiens, puis chinois. Beaucoup ont ouvert ou repris de petits commerces faisant ainsi le quartier asiatique que l'on connaît.

    De nos jours, le quartier Italie 13, dont la maintenance est complexe et coûteuse, fait l'objet de projets de rénovations lourdes …
    Mais cette fois, la politique de la table rase n'est plus à l'ordre du jour … et pourtant … ! 


    >> Voir aussi, sur Parisperdu : "Des tours à Paris : pour quoi faire ?"

     

     


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  • La SUDAC, en mars 1996.

     

    La restauration de la SUDAC (Société Urbaine de Distribution d’Air Comprimé…), dans le 13ème, est symptomatique d'une époque. Désormais, on s'attache enfin à garder les traces du passé, notamment celles du passé industriel, pourtant encore récemment jugé peu digne d'intérêt.

    La transformation de la SUDAC en Ecole d'Architecture … est à ce titre exemplaire. L'identité de l'usine est préservée, des vestiges industriels sont conservés et enrichis. On y développe une architecture d'avenir, respectueuse du passé.

     

    Et cette logique de recyclage préside aujourd'hui à de nombreuses autres réalisations. "On construit avec le passé" répète souvent l'architecte-urbaniste Alexandre Chemetoff. Le passé, n'est plus une contrainte, mais une ressource pour les nouveaux projets. Le patrimoine historique n'est plus détruit, comme ce fut trop souvent le cas (se souvenir des Halles de Baltard …), mais intégré dans la matière même de nouveaux espaces publics ou de nouveaux bâtiments.

     

    La suite de l'histoire ?

    Elle se construit chaque jour tout près de chez vous, un peu partout dans Paris … sur le thème en vogue du développement durable. Un exemple, le musée du quai Branly, un bâtiment qui intègre le bois sur ses façades, de la végétation aussi, pour dire qu'il est temps de revenir à des matériaux naturels et qu'il faut penser aussi à notre planète …

    L'architecture raconte souvent les préoccupations de son temps.

     

     

    >> L'école d'architecture de Val-de-Seine

     

     

    >> Voir aussi sur Parisperdu :"Nouvelle vie en usines".

     

     

     

     


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  • Le vieux Palais de justice de l'île de la Cité n'est plus adapté depuis des années aux besoins de la juridiction parisienne. Il est donc envisagé de réorganiser les Cours de cassation, d'appel et d'assises dans le palais historique tandis que le Tribunal de Grande Instance (TGI) serait délocalisé sur un autre site.

    L'Etat retiendrait volontiers le site de "La Halle Freyssinet", une vaste halle industrielle des années 1920, dans le quartier de Tolbiac, en bordure des voies d'Austerlitz, non loin de la Très Grande Bibliothèque.

    Fin 2007, un concours d'idées international a désigné, Josep Fuses et Joan Viader comme architectes vainqueurs du projet du nouveau TGI parisien. Les deux architectes catalans proposent un projet audacieux dans lequel, la Halle Freyssinet, est entièrement conservée ... et ce n'est que justice ! Elle se voit adjoindre une quatrième nef sur pilotis et ce "mix" de bâtiments conserve incontestablement l'esprit des lieux chers à Léo Mallet, à Nestor Burma et à Jean-Pierre Melleville ...

    Mais, l'État et la Ville de Paris s'opposent sur le site définitif du futur TGI, chacun préférant une adresse différente dans le 13ème arrondissement. Le nouveau grand projet d'urbanisme suscite, par ailleurs, la fronde d'associations de riverains, ultra mobilisées et encouragées par les prises de position de la  mairie du 13ème qui ne veut pas du projet dans le  quartier de Tolbiac.

    La Ville de Paris a donc proposé le site de Masséna, un peu plus à l'est, sur un terrain coincé entre le périphérique et les boulevards des Maréchaux.
    Impossible, répond l'État : ce site nécessiterait de lourds aménagements, incompatibles avec la date de livraison du TGI, programmée pour 2012-2013.

    Le démarrage des travaux n'est prévu qu'en 2010 ... affaire à suivre donc ...



    >> Le site web de l'EPPJP - Etablissement public du palais de justice de Paris.

    >> Fuses-Viader, Arquitectes Associats

    >> La halle Freyssinet : déjà sur "Parisperdu".



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