• 7 rue Robineau - Paris 20ème

     

    " Un jour, … c'est la maison entière qui disparaîtra, c'est la rue et le quartier entier qui mourront. Cela prendra du temps. Au début cela aura l'air d'une légende, d'une rumeur à peine plausible : on aura entendu parler d'une extension possible du parc …, où d'un projet de grand hôtel … Puis les bruits se préciseront; on apprendra le nom des promoteurs et la nature exacte de leurs ambitions que de luxueux dépliants en quadrichromie viendront illustrer.


    Mais avant que ne surgissent du sol ces cubes de verre, d'acier et de béton, il y aura la longue palabre des ventes et des reprises, des indemnisations, des échanges, des relogements, des expulsions. Un à un les magasins fermeront et ne seront plus remplacés, une à une les fenêtres des appartements devenus vacants seront murées et les planchers défoncés pour décourager les squatters et les clochards. La rue ne sera plus qu'une suite de façades aveugles – fenêtres semblables à des yeux sans pensée – alternant avec des palissades maculées d'affiches en lambeaux et de graffiti nostalgiques.

     

    Qui, en face d'un immeuble parisien, n'a jamais pensé qu'il était indestructible ? Une bombe, un incendie, un tremblement de terre peuvent certes l'abattre, mais sinon ? Au regard d'un individu, d'une famille ou même d'une dynastie, une ville, une rue, une maison, semblent inaltérables, inaccessibles au temps, aux accidents de la vie humaine, à tel point que l'on croit pouvoir confronter et opposer la fragilité de notre condition à l'invulnérabilité de la pierre. Mais la même fièvre qui, vers mille huit cent cinquante, aux Batignolles comme à Clichy, à Ménilmontant comme à la Butte-aux-Cailles, à Balard comme au Pré-Saint-Gervais, a fait surgir de terre ces immeubles, s'acharnera désormais à les détruire.

     

    Les démolisseurs viendront et leurs masses feront éclater les crépis et les carrelages, défonceront les cloisons, tordront les ferrures, disloqueront les poutres et les chevrons, arracheront les moellons et les pierres : images grotesques d'un immeuble jeté à bas, ramené à ses matières premières dont des ferrailleurs à gros gants viendront se disputer les tas : le plomb des tuyauteries, le marbre des cheminées, le bois des charpentes et des parquets, des portes et des plinthes, le cuivre et le laiton des poignées et des robinets, les grands miroirs et les ors de leurs cadres, les pierres d'évier, les baignoires, le fer forgé des rampes d'escalier …

     

    Les bulldozers infatigables des niveleurs viendront charrier le reste : des tonnes de gravats et de poussière."

     

    Georges Perec: "La vie mode d'emploi" Chapitre XXVIII "Dans l'escalier, 3"

     

     

     

    >> Souvenir de la rue Vilin, par Georges Perec.

    >> Parisperdu et les démolitions urbaines.




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    Photo: © AFP

    Les Chinois de Belleville sont descendus dans la rue.
    Le 20 juin 2010, plus de 10 000 personnes, majoritairement d'origine asiatique, se sont rassemblées pour protester contre l'insécurité qui gangrène le quartier. Sur les banderoles déployées et les tee-shirts édités spécialement pour l'occasion, de nombreux slogans consensuels: "Sécurité pour tous", "Belleville quartier tranquille", "Halte à la violence" ou encore "J'aime Belleville".

    Cela fait des années que les Chinois, selon leurs dires, subissent la loi des bandes ultraviolentes qui écument les quatre arrondissements de Belleville (Xe, XIe, XIXe et XXe). Mais pourquoi s'en prendre plus particulièrement aux Chinois?

    C'est que les Chinois constituent une proie idéale pour des bandes de jeunes désœuvrés, de plus en plus mobiles et organisés. Ces derniers comptent tout simplement sur le fait que certains, étant en situation administrative irrégulière, ne peuvent avoir de compte en banque, et perçoivent donc leur salaire en espèces. Sans papiers, ils ne vont pas aller porter plainte auprès de la police... les voilà donc placés au rang de victimes idéales que l'on peut dépouiller presque sans risque.

    Mais ces voleurs cherchent d'abord l'argent facile, c'est tout. Ils ne ciblent pas les Chinois parce qu'ils sont Chinois. Il ne faut pas tout confondre. Il n'y a pas de guerre ethnique à Belleville. Cependant, cette situation est bien triste pour le quartier de Belleville où les trois communautés juives, maghrébines et chinoises ont, depuis toujours, vécu dans la paix et la bonne entente.

    Aujourd'hui, prise en otage par des bandes de jeunes ultraviolentes, la population de Belleville, le quartier parisien aux 80 nationalités, vaudrait bien retrouver la sérénité.


    >> Violences/Belleville: 13 bandes identifiées.

    >> "Chinoiseries à Belleville".

    >> Belleville, de la déliquescence à la délinquance.

     

     

     


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  • Angle de la place Martin Nadeau et de la rue Robineau - Paris 20ème.


    Le 20ème est un arrondissement à part. Terre d'asile, depuis deux siècles, de générations d'ouvriers, souvent immigrés, il est représentatif de l'Est parisien: populaire et cosmopolite. Il offre encore parfois l'illusion de la campagne à Paris et son passé communard lui prête une certaine aura révolutionnaire, qui attire à lui une nouvelle classe moyenne éprise d'anticonformisme.

    Pour son arrondissement, son maire formulera une maxime : "La mixité sociale est son génie et son avenir".
    Pourtant, les problèmes de l'arrondissement restent ceux des quartiers ouvriers. La cité Saint-Blaise - la plus forte densité démographique d'Europe - en offre un concentré: 15% de ses occupants vivent au-dessous du seuil de pauvreté, 18% sont chômeurs et 25% sont des travailleurs précaires.
    Ici, les médecins réfléchissent à deux fois avant de poser leur plaque, ce qui explique la peu glorieuse 20ème place de l'arrondissement pour l'offre de soins à Paris.

    Au coeur de l'arrondissement, Ménilmontant, le quartier populaire-type, est malheureusement de plus en plus défiguré par le modernisme ambiant et ces façades sont les derniers et fragiles témoignages d'une civilisation emportée par le vent du changement ... qui pointe le nez là-bas, juste en haut de la rue Gasnier-Guy.


     

    >> Voir aussi à la recherche du Parisperdu, celui des jeunes filles en fleurs ...


    >> "Le vent du changement pointe son nez, en haut de la rue Gasnier-Guy ..."






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  • Belvedère de la rue Piat - Paris 20ème

     

    Paris n'est pas un musée, un objet de nostalgie dont les quartiers ne vaudraient qu'à être regardés sans jamais être partagés. Au contraire, Paris est une fête, un espace de rencontre, riche, bouillonnant, vivant !

    C'est pourquoi Parisperdu vous invite sans cesse à arpenter les rues de la capitale, les plus prestigieuses comme les plus obscures pour partager vos expériences, donner à voir, à penser et à comprendre les espaces, les territoires de la ville.

    C'est à vous maintenant, amoureux de Paris, gourmands et curieux de la cité, de vous mettre en chemin et de partir à la rencontre de la ville et de ses habitants. Vous passerez des journées exceptionnelles à sillonner cette capitale unique en prenant plaisir à découvrir l'inconnu ou a revisiter le déjà trop connu ...

     

     

    >> Paris est-elle la plus belle ville du monde ?

    >> La traversée de Paris.

    >> Voir et comprendre Paris.

    >> Paris a-t-il perdu son âme ?

     

     


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  • C'est juste un grain, juste un petit grain, celui qui tombe sur une vitre et rend flou le paysage, il trouble l'espace, à le faire dissoudre, s'éparpiller, divaguer.

    Le grain de la pluie se répand dans le grain de la photographie, diluant les pixels, étalant les lumières qui dégoulinent, informes, déviées de leurs focales, s'irisant comme des fleurs imbibées.

    Quand il pleut sur Paris, parfois je coupe les essuie-glaces de ma voiture et photographie la ville derrière le pare-brise.
    Apparaissent alors les distorsions optiques d'un voyage devenu ivre, étincelant, étrangement liquide.


    >> Autre image, plus délirante encore!

     


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